23 milliards de dollars, peut-être beaucoup plus : c'est le montant des primes et bonii distribués cette année aux cadres des sociétés bancaires et financières de Wall Street qui, comme chacun sait, faute de générer de la valeur, se comportent en voleurs. Ajoutez 20 milliards d'Euros pour la City et quelques bricoles de plus (en milliards) pour les autres places financières. Voila de l'argent bien mérité, sonnant pour quelques-uns, trébuchant pour tous les autres.
Ces sommes colossales sont évidemment à mettre en regard du coût des plans, plans-plans et autres ran tan plans de sauvetage du système bancaire, de l'activité économique, du BTP, l'industrie automobile (tiens, d'ailleurs, le grand soir du capitalisme est peut-être pour ce matin, après le refus des sénateurs américains, cette nuit, d'accorder un prêt relai de 14 milliards de dollars à l'industrie automobile *)...
Le premier acte des G20 et autres “refondateurs du capitalisme“ aurait dû être de confisquer les bonus 2008 pour les réinjecter dans les fonds propres des entreprises. Le second aurait dû être la mise en place d'une limitation progressive de l'échelle des revenus.
Car il y a dans ces rénumérations de prédateurs, disproportionnées et sans lien avec un mérite quelconque, une conséquence néfaste et lourde de conséquences à venir. On l'a plusieurs fois soulignée ici : c'est l'“exemplarité“ de ces mœurs de casino et de piratage et leur contagion à l'ensemble des entreprises et du corps social.
Pourquoi nombre de petits patrons ne finiraient-ils pas par saliver devant leur écran de télé lorsqu'on leur met sous le nez le cocktail délicieux composé de salaires délirants-bonus hystériques-dividendes fous-parachutes dorés, sans lien avec la réussite de l'entreprise ? Par quel miracle auraient-il la vertu de résister à ce veau d'or ?
Beaucoup n'y résistent pas. Beaucoup se disent que, plutôt que de “capitaliser“ (ce qui signifie également épargner, accumuler du capital pour donner de la valeur à leur boîte, mais aussi des réserves pour faire face aux accidents potentiels), ils peuvent se conduire “comme tout le monde“, c'est-à-dire prendre avant d'être pris.
Le résultat est la fragilisation de la trésorerie, des fonds propres des PME et la dé-responsabilisation des dirigeants. Et, du coup, leur incapacité à résister ou à répondre à un coup de bambou.
Lorsqu'arrivent les vents mauvais, on commence par supprimer les intérimaires, on essaie d'augmenter les factures des clients, on poursuit en ne payant pas les fournisseurs, on continue par des plans de licenciements, bref, on fait payer les autres mais, rarement, très rarement, on se remet en cause en diminuant drastiquement les plus gros revenus. Et drastiquement, ça peut signifier intégralement, jusqu'au rétablissement de la situation.
Ces dernières semaines, j'ai pu constater ce refus suicidaire de se remettre en cause dans plusieurs entreprises où l'on "vend“ la modération salariale aux salariés tout en augmentant dans des proportions scandaleuses les rémunérations des patrons, mais aussi -et à un moindre degré, parce que les émoluements des élus y sont beaucoup moins significatifs- dans plusieurs collectivités territoriales.
S'agissant des petites entreprises, il y a chez nombre de petits patrons un réflexe de déresponsabilisation similaire à celui qu'ils reprochent souvent à leurs salariés : une incapacité à sacrifier leur sécurité immédiate pour privilégier la survie de leur outil de travail et/ou de leur capital. Moi d'abord, même si la conséquence, c'est qu'il n'y aura plus de moi après : ce pourrait être une bonne définition de la décadence.
Résultat, on va assister à une hécatombe de défaillances d'entreprises dans les six mois qui viennent. Les banques qui, malgré les effets d'annonce, ne font toujours pas leur métier en prêtant à bon compte de l'argent au entreprises, y auront pris la plus belle part, mais les fautes de gestion, les rémunérations disproportionnées de nombre des dirigeants d'entreprises ne seront pas pour rien dans leur déconfiture.
Tout ça va contribuer à créer du lien social, comme on dit.
* PS de 19h - Ah ben non, finalement, le grand soir n'était pas pour ce matin : ce bon Bush va piquer dans son enveloppe de 700 milliards de dollars destinés à sauver les banques pour sauver Chrysler et General Motors. Allez, y sont pas si égoïstes qu'il y parait : quand y en a pour deux, y en a pour trois. Sérieusement... On est chez les branques et les baltringues. A tous les étages :)
Tout d'accord.
Plus les élus politiques qui se gavent de quelque bord qu'ils soient.
Rédigé par : luluberlu | 12 décembre 2008 à 11:36
"Plus les élus politiques qui se gavent de quelque bord qu'ils soient."
C'est peut etre vrai pour certains (5%, 15%, 95% je ne sais absolument pas et ca m'etonnerai qu'on ait les chiffres) mais les generalisations de ce genre n'aident vraiment pas ceux qui font leur boulot correctement et qu'on assimile aux voleurs.
PS: Je ne suis pas elu politique de pres ni de loin.
Rédigé par : Francois | 12 décembre 2008 à 12:36
@Luluberlu - L'idée n'est pas de stigmatiser une catégorie sociale en particulier (financiers, banquiers, chefs d'entreprise, cadres, élus, fonctionnaires ou autres), mais de constater que l'ensemble du système étant corrompu par le veau d'or et un individualisme forcené, chacun, en toute -ou presque- bonne foi, peut se croire exempté d'être exemplaire. Là est le danger.
Rédigé par : José | 12 décembre 2008 à 15:35
@françois:Comment nommer les ceuss qui prétendent faire dans l'intérèt général et dont la carrière aura été une gavance (cf le porcin qui résume bien nos édiles, the Sénat présidium. )
@José : subtilité certes ; mais quand faut dire faut dire, et bien sur qu'il y a de la nuance mais ce qui coute coute et quand faut économiser faut trancher, parce qu'il va commencer à faire URGENCE, et alors tu va voir, ( j'espère que non mais supposons) tu vas voir que çà sera plus très subtil les actes de nos congénères.
je trouve le discours Mélanchonnesque revivifiant pourtant....
Sapiens ne change pas vite!.
Rédigé par : luluberlu | 14 décembre 2008 à 13:37