Les derniers développements de la politique française ou neuillyssoise, quand on oublie un instant qu'ils doivent moins à Guaino qu'à Feydeau, permettent de tirer quelques conclusions provisoires :
1- Un pouvoir, un commandement ou une responsabilité n'existe pas longtemps sans fusible. Un fusible, c'est ce qui va au contact ou au feu en premier, préservant le commandement des mauvais coups, lui donnant la distance, la hauteur, le recul, le temps et l'espace de pouvoir arbitrer in fine, de donner l'estocade finale ou de sonner la retraite.
Quand le commandement se porte à l'avant, il doit le faire à coup sûr, être Bonaparte à Arcole plutôt que Napoléon III à Sedan. Sans quoi, il devient son propre fusible et, lorsqu'il reçoit les coups, personne n'a l'autorité ou la confiance pour se porter à son secours. Depuis quelques jours, Nicolas Sarkozy doit regretter d'avoir minoré, méprisé, le rôle et la fonction de Premier Ministre, pourtant si commode parfois pour un Président.
2- Un pouvoir est contraint de mentir et de jouer. Comme dit l'autre, il peut se jouer de tous un temps ou jouer tout le temps avec quelques-uns. Mais il ne peut se jouer de tous, tout le temps. Aucun pouvoir n'est assez fort pour cela.
Le zapping perpétuel, l'ouverture permanente de dossiers jamais ou mal conclus, le mensonge à tous, l'instrumentalisation et le mépris de tous érigé en système, cela dure ce que dure l'indifférence des uns et la patience des autres. Pas un instant de plus.
3- Un pouvoir peut amuser un temps la galerie avec son propre destin, sa propre réussite. Mais sa geste doit porter une leçon, bâtir une légende exemplaire, que chacun et tous pourront s'approprier. De toute évidence, le yatch, l'avion de Bolloré, l'augmentation spectaculaire de son propre salaire par temps de disette, ses aventures sentimentales n'avaient pas vocation à être exemplaires ou partagées. Ils ne le sont d'ailleurs pas. Chacun est une bourde. Leur cumul est une faute.
4- Un pouvoir peut remporter plusieurs batailles de suite en manœuvrant agilement, en séparant ses adversaires, en jouant les uns puis les autres, les uns contre les autres. Encore faut-il ne pas se tromper de bataille. Que vaut l'extinction du feu allumé par les taxis quand, au-delà des rodomontades, on reste muet et impuissant face à celui allumé par la finance mondiale, quand on est décevant sur les banlieues, inexistant sur l'environnement, impuissant sur la croissance, cynique sur le pouvoir d'achat ? Que vaut une reculade sur un petit sujet quand il n'y a aucune avancée sur les grands ?
5- Un pouvoir peut se contenter, un temps, du paraître. Et chacun de le croire. Mais vient un moment où tous s'apperçoivent que le paraître n'est qu'un masque. Ce qui compte, c'est l'avoir (pour beaucoup) et l'être (pour quelques-uns).
6- Un pouvoir s'affaiblit ou s'effondre rarement du fait de ses adversaires. Il s'effondre de lui-même ou sous les coups de ses amis. La Gauche ou même le Centre n'ont pas à se réjouir de ce qui se passe. L'opposition ne commandant pas aux vents, elle peut mettre une casquette : la vague qui menace Nicolas Sarkozy risque d'emporter tout, sans faire le détail.
7- Un pouvoir, plus guidé par l'affect que par la raison, qui a rêvé d'être reconnu, aimé, admiré, et cesse de l'être, perd beaucoup de ses moyens. Il ne perd pas pour autant sa capacité de nuire. On n'est pas rendus...
"Un pouvoir peut amuser un temps la galerie avec son propre destin, sa propre réussite. Mais sa geste doit porter une leçon"
Tout à fait d'accord. Les Français, peuple paysan élevé aux fables de La Fontaine, recherchent la morale de l'histoire. Avec Sarkozy : point de sens, seule l'outrance.
Et puis l'argent est tabou dans ce pays terrien où l'on ne montre pas ses cartes et sa monnaie. Sarkozy ne l'a pas compris, ou n'a pas voulu le comprendre.
En fait, je me demande si au fond Sarkozy joue encore pour un deuxième mandat (10 ans a-t-il dit, "après je fais fortune dans les affaires" !). En jouant comme il le fait, sans aucune retenue, ça ne m'étonnerait pas qu'au fond il joue sur cinq ans.
Le mandat Sarkozy aura alors été une "aventure personnelle", une story-telling, plus qu'un engagement d'Etat...
PS : Bonaparte à Arcole avait le statut de "fusible" et non le pouvoir. Le pouvoir était détenu par le Directoire.
Rédigé par : Laurent | 12 février 2008 à 09:53
Je viens d'ouïr dire que Sa Majesté avait, dans je ne sais quel discours, comme projet de nous envoyer sur Mars dans un contexte mêlant Kourou et l'Europe.
Excellente idée, qu'il y aille donc le premier, en éclaireur cela nous reposerait !
Vive les vacances !
Y aurait pas un vieux vaisseau dans lequel on pourrait le propulser ?
Car vu que "les caisses sont vides" et que cette affaire serait très coûteuse, où trouver les fonds ?
Comme s'il n'y avait pas plus urgent à faire...
Rédigé par : jcm | 12 février 2008 à 09:53
@jcm s'il faut je vends ma collection de cires perdues africaines.
@josé il garde effectivement le pouvoir de nuisance plein de puissance.
Qu'un aristocrate hongroie ne comprenne rien aux valeurs des paysans français, je trouve ça logique,par contre je suis surpris par le manque de sens politique du petit homme.
Rédigé par : luluberlu | 12 février 2008 à 10:57