Il n'y a d'économie que de la rareté. Dans les années 70 ou 80, à l'époque où les files d'attente étaient quotidiennes devant les étals vides des magasins soviétiques, la Pravda avait publié une photo, prise à Paris avant Noël et montrant une file d'attente devant un magasin de caviar ; la légende ironisait sur les difficultés de la consommation et la pénurie de produits en Occident.
Cette année, les restos du cœur ou les soupes populaires battront de nouveaux records de files d'attente, pendant qu'au bout de la rue, d'autres feront la queue avec une faim comparable pour acquérir un iPhone.
Ces deux images résument très exactement l'absurdité de ce système économique : solvables (maintenant on dit “bankable“) ou insolvables, branchés ou misérables, affamés du nécessaire ou gourmands du superflu, en demande de survie ou de statut social, tous sont tenus en état de frustration, de langue pendante.
Ce monde, que l'on décrit habituellement comme celui de individualisme, révèle, en ses extrèmes, sa nature : l'individu ne fait sens que s'il fait masse et cette masse ne fait sens que si elle est en état de demande.
"...affamés du nécessaire ou gourmands du superflu, en demande de survie ou de statut social, tous sont tenus en état de frustration..."
Toutes les "frustrations" ne se valent pas, et la demande de survie est une situation de péril gravissime, représentant potentiellement le terme de la vie, tandis que la frustration de devoir attendre pour acheter son joujou ou de ne pouvoir se le payer n'a aucun enjeu vital.
L'utilisation de "frustration" dans le cas de la survie me paraît proche de l'outrance, José, bien que ce n'en soit pas une à proprement parler selon le dictionnaire (Frustrer qqn de qqc. Le priver d'un bien qui lui est dû ou le priver d'une satisfaction à laquelle il peut légitimement prétendre.).
Cela si l'on conçoit qu'il est dû à chaque être humain ce qui sera indispensable à sa survie, ce qui se discuterait peut-être...
Rédigé par : jcm | 29 novembre 2007 à 11:44
@jean-claude : il ne s'agissait pas ici de dire que tout se vaut (le besoin de manger et le désir d'avoir un joli téléphone ou une console de jeux), mais plutôt de pointer deux choses, sans doute mal exprimées ou en trop peu de mots :
- l'individualisation du désir de consommer est un simulacre. Le marketing finit par métamorphoser des individus “désirant“ la même chose, au même moment, en une masse, un troupeau indifférencié, finalement peu différent, dans son apparence, sa conduite et sa motivation, de ceux que la “vraie“ nécessité conduit à se rassembler devant une soupe populaire.
- au bout de la logique libérale ou consumériste, dont le discours exalte l'individu et le “consommateur-roi“, il y a une masse indifférenciée et maltraitée (elle fait la queue comme les affamés) d'unités consommatrices, formatées de la même manière par le marketing.
Rédigé par : José | 29 novembre 2007 à 12:34
Joyeux Noêl ! (¤]¤)
Rédigé par : luluberlu | 29 novembre 2007 à 12:51
Puisqu'il est question des "restos du coeur", j'aimerais poser une chtite question : pourquoi ne fonctionnent-ils qu'en hiver ? Les pauvres n'ont-ils pas faim en été ?
Et puis une autre question : pourquoi les "restos du coeur" ne deviendraient-ils pas des cantines populaires prises en charge, toute l'année, par la municipalité ? Ce que l'on sait faire ici, à Vitória, on devrait savoir le faire en France, dont je crois savoir qu'elle est plus riche que le Brésil, non ?
Rédigé par : Francis | 29 novembre 2007 à 15:09
A l'origine, les restos étaient un coup de projecteur, limité dans le temps, destiné à éveiller les consciences et les collectivités. Il se trouve que l'hiver est la saison de plus grande urgence.
Il se trouve aussi, qu'au bout de 20 ans, le “coup de projecteur“ a la vie dure et mériterait d'exister toute l'année.
Pour le reste, Francis, les collectivités contribuent, en argent et en “industrie“.
Mais, notamment en termes de personnel, et sans cynisme aucun, il est assez “pratique“ de pouvoir compter sur des armées de bénévoles, encadrés par une association.
Rédigé par : José | 29 novembre 2007 à 15:21
La france est elle plus riche que le Brésil ?
C'est une vrai question.
Je ne connais pas le Brésil, mais j'ai le souvenir d'un voyage à la Réunion, département français avec l'un des plus fort taux de chomage, ou la solidarité (familliale mais pas seulement) pallie très fortement aux milles problèmes de la vie quotidienne.
N'idéalisons rien, il y existe des situations dramatiques. Néanmoins, j'ai eu l'impression (en deux séjours cumulant environ 3 mois de présence totale) que leur société résistait mieux que la notre aux (mauvais) coups du libéralisme.
La question mérite donc selon moi l'analyse.
L'individualisme forcené qu'on nous vend depuis deux décennies (sous les termes de réussite invdividuelle...) est aussi un outil de l'asservissement des populations aux intérets d'une infime minorité. Toutes les formes de solidarité, de prise de conscience d'intérets communs sont des résistances à cet asservissement.
D'ailleurs, dans asservissement, on retrouve la servitude, soit le statut du serf. Celui qui attaché à la terre sans être esclave (il devait subvenir par lui même à ses besoins), était quasi possession du seigneur.
Or aujourd'hui, nous pouvons constater l'interdiction de circuler des hommes (contrastant avec la liberté totale de circulation des capitaux). Donc tel les serfs, nous sommes attachés à notre terre (la france, l'europe, un HLM à une lieue au ban de la société comme à Villier le Bel), sous la coupe des riches capitalistes qui eux sont libres d'aller exploiter la misère ou bon leur semble.
Pour conclure, je pense que parler de richesse d'une nation, nécessite de préciser riche de quoi, et comment cette richesse est répartie. Ce qui différencie(différenciait ?) les pays riches des pays pauvres releve plus souvent de la répartition de la richesse que de sa valeur absolue.
Rédigé par : bertrand | 29 novembre 2007 à 17:41
Bertrand, le Brésil est l'un des 10 pays les plus inégalitaires au monde. Quant à la solidarité, elle y est avant tout familiale et rarement organisée.
Rédigé par : Francis | 30 novembre 2007 à 01:28