Estimer que la planète, dans sa diversité, est confrontée à des problèmes de survie communs, vouloir un monde plus respectueux de l’environnement, offrant des perspectives de vie mieux équilibrées à tous, refusant de vouer un culte à la seule croissance quantitative, implique des changements de modèle et des actions fortes.
Chaque année, on construit en France près de 500.000 logements. Ils
sont bâtis, pour l'essentiel, à la périphérie des grands centres
urbains, contribuant, entre autres, à leur engorgement, au
développement de la spéculation foncière et immobilière, à celui de la
pollution par l’allongement des trajets de transports, à celui du
mal-vivre.
Aujourd’hui, 80% de la population française s’entasse sur 20% du territoire. Ce modèle s'étend au monde entier et des études des Nations Unies indiquent que, d'ici 2035, près de trois milliards de personnes quitteront les campagnes pour s'installer dans les villes ou à leur périphérie. Pourquoi ? Pour fuir la misère, pour trouver du travail.
Urbanistes, architectes et responsables politiques sont tous actuellement sur une même ligne : il s'agit de densifier les grandes métropoles, de construire verticalement pour utiliser au mieux l'espace, ce qui est pertinent économiquement, mais également sous des prétextes environnementaux beaucoup plus hasardeux : il s'agit d'éviter le mittage du paysage, de réduire les distances, donc les transports, donc les émissions de CO2.
Cette option généralisée des gigapoles verticales, à laquelle on échappera difficilement, fait litière d'autres options qui mériteraient d'être tentées, au moins à titre expériemental et qui privilègiraient des ensembles plus petits, plus dispersés, mais moins coûteux à la construction et, surtout, plus favorables à un mode de vie équilibré.
Construire à la périphérie des grandes villes, c'est construire cher. Très cher. C'est construire mal. Très mal.
Pourquoi, à l'échelle du monde, ne pas inverser ce modèle et rapprocher le travail des lieux où vivent les gens, plutôt que de les conduire à abandonner familles, maisons, modes de vie, coutumes, pour les parquer dans ces déserts urbains, où l'on suppose qu'est le travail ?
A l'échelle d'un pays comme la France, il faut penser un changement radical du modèle d’aménagement du territoire et d'urbanisation existant : cesser de faire croître les zones déjà saturées et repeupler une partie du territoire désertifié, en créant des villes nouvelles, de 15.000 à 50.000 habitants, compatibles avec les enjeux du futur.
Ces villes seront situées à moins de 50 km d’un grand axe routier ou/et ferrovière existant. Des indrastructures d'approche (ferroutage, routes d'accès, transports en commun) devront être conçues selon un plan régional et national.
Ces villes seront édifiées autour d’un cœur, constitué de bourgs existants, aujourd’hui peuplés de 3.000 à 10.000 habitants.
De taille humaine, elles auront néanmoins la taille critique pour être pourvues de centres médicaux, scolaires, d'équipements de loisirs, de systèmes de transports en commun, etc.
A la différence des villes nouvelles des années 60 et 70, elles n’auront pas vocation à être des cités-dortoir, mais seront largement autonomes dans leur activité.
Leur construction sera accompagnée de la création de quartiers d’activités commerciales, industrielles, artisanales, administratives et de services, rendues viables par les technologies de communication actuelles, dont l'implantation et le développement seront fortement encouragés par des mesures fiscales et para-fiscales.
L'habitat devra tenir compte des besoins sociaux de la population sur la durée : développement du télé-travail à domicile, équipements spécifiques pour le maintien à domicile des personnes âgées, etc.
Ces villes seront conçues dans le respect de normes environnementales
strictes (utilisation de matériaux de construction éco-compatibles,
isolation des bâtiments, récupération des eaux pluviales, flottes de
voitures publiques ou para-publiques et transports électriques,
économes en énergie et peu ou pas polluantes, etc), et adaptées aux
conditions locales (on ne construit pas de la même manière -conditions
climatiques, traditions architecturales, etc- à Dunkerque et à
Collioure).
S'inspirant des expériences déjà menées ici
ou là, elles seront économes et, autant que possible, autonomes en
énergie, notamment alimentées par la géothermie, le solaire et l'éolien.
Le développement massif et coordonné de ces villes, accompagné d'un effort de recherche et développement, permettra la mise au point et l’industrialisation de savoirs-faire (en urbanisme, en architecture, en matériaux et en techniques de construction, d’économies d’énergie, de production d’énergie propre, de communications, en transports, en services sociaux, etc) qui seront ensuite exportables.
C’est toute une série de filières, créatrices d'emplois, qui
bénéficieront de ce grand chantier, dont l'ambition doit être la
création, sur 20 à 30 ans, de 300 à 600 villes nouvelles, susceptibles
d’accueillir 10 à 15 millions d’habitants, français natifs et
immigrants.
Soyons clairs : il ne s'agit pas de forcer à la “déportation“ de populations des villes vers les campagnes, mais de proposer un mode de vie alternatif à celui qui transformera les hommes en lapins en cages, un mode de vie éco-compatible, plus économe, plus harmonieux, plus orienté vers la qualité de vie et d'encourager ceux qui le souhaiteront à “recoloniser“ des territoires aujourd'hui laissés à l'abandon. Notre pari, c'est que ces pionniers seront nombreux.
C'est marrant, j'ai déjà vu cette proposition dans un programme politique. Je crois que l'un des trois candidats à la candidature socialiste avait une proposition de ce type dans son escarcelle (DSK dans mon souvenir mais je n'arrive pas à retrouver de lien). Me goure-je ?
Rédigé par : Phil | 12 octobre 2007 à 15:44
DSK a effectivement été le seul à évoquer ça, de manière un peu elliptique.
Il semble que la commission Attali ait également retenu cette idée pour “doper la croissance“.
Rédigé par : José | 12 octobre 2007 à 17:58
Décidément cette tendance à vouloir construire des villes de toute pièce -même écolo- ça me laisse dubitative.
Réussir une ville c'est tellement complexe. Quand on voit les échecs de villes comme Créteil pourtant pensées à l'époque au mieux des besoins d'espace de verdure de travail... Ah oui, c'est vrai j'oubliais, "mais c'était les années 70, on n'avait pas encore tout compris!" Et qui nous dit qu'aujourd'hui on aurait tout compris ?!!
Des quartiers dans des villes, densifier des banlieues existantes, mais en faisant participer les gens du quartier (exemple : ecozac de Rungis à paris)...
Dans les bidonvilles de Bombay par exemple, les meilleures réhabilitations, les plus rapides et les moins coûteuses -s'il vous plaît !- ont été réalisées par les associations des habitants des bidonvilles.
Il me semble que pour l'écologie aussi, les villes doivent se construire avec leurs habitants. je ne crois pas au prêt-à-remplir.
Rédigé par : isabelle | 12 octobre 2007 à 23:18
“Décidément cette tendance à vouloir construire des villes de toute pièce -même écolo- ça me laisse dubitative.“
Isabelle, je suis d'accord que le vrai ciment d'une ville, c'est le temps, les histoires qu'y vivent les uns ou les autres, les souvenirs qu'y laissent les générations passées, les rires et les larmes des habitants, les cris des enfants...
Mais enfin, ces 4 ou 500.000 logements qu'on construit chaque année en France ou qu'on devra construire chaque année dans les décennies qui viennent, et qui s'ajoutent aux réhabilitations, on les fait où et comment ? Sinon de toute pièce, de toutes façons.
Mais la question est : les fait-on uniquement dans les banlieues toujours plus éloignées des métropoles existantes, sous forme de tours de 500 mètres à 1km de haut, comme nous le promettent des visionnaires ?
Et qu'est-ce qui nous garantit que ces tours, “faites de toute pièce“, seront plus accueillantes, vivantes, vivables qu'un habitat moins monstrueux construit ailleurs qu'à 30, 40,50, puis 100 bornes de Paris, de Lyon ou de Marseille ?
La bricole, type Ecozac, est très bien et je suis pour, à titre expérimental, mais il faut comprendre qu'elle n'est pas la panacée, notamment en termes quantitatifs.
Encore ne parle-t-on que de la France. Mais où les trouve-t-on, les quartiers à Ecozaquer, à Bombay, Shanghaï, Mexico, quand les flux de population se chiffrent en centaines de milliers, voire en millions d'arrivants chaque année.
Et excuse-moi, mais les bidonvilles indiens sont peut-être formidables, mais ils ne constituent pas un modèle d'habitat que je me souhaite, que je te souhaite ou que je souhaite à aucun être humain, même après réhabilitation rapide et peu coûteuse.
Donc, pour revenir à la France, la problématique est simple : on a un stock d'environ 30 millions de logements qui doivent être normalement détruits ou abandonnés, à raison de 1% à 2% par an (ce qui veut dire que les bâtiments existants ont, en moyenne, une durée de vie de 50 à 100 ans : ça peut atteindre 5 siècles pour certains, 20 ans pour d'autres). Ceux-là, il faut les remplacer (ils doivent compter pour 300.000 des logements construits chaque année).
Et à ceux-là, il faut ajouter d'autres logements (100 à 200.000), destinés à héberger soit des populations nouvelles, jeunes ou issues de l'immigration, soit des mal logés, soit des populations qui changent de mode de vie (la taille d'un foyer, aujourd'hui de 2,3 personnes, ne cesse de diminuer, ce qui veut dire, après un divorce, par exemple, qu'un appartement devient 2 appartements).
Essayer d'imaginer, pour tous ces logements à construire, une autre forme que l'habitat contrationnaire en banlieue ne me semble pas illégitime.
Quant aux planteries architecturales et urbanistiques, on peut en être sûrs, il y en aura, comme il y en a eu dans le passé et comme il y en a aujourd'hui.
Mais ça ne me semble pas une raison suffisante pour adopter aveuglément le modèle unique de la concentration des populations dans des mégapoles et tuer la diversité dans ce domaine. :)
Rédigé par : José | 13 octobre 2007 à 00:31
Commençons peut-être par UNE de ces villes nouvelles, ne serait-ce qu'à se poser les questions... que pose sa création et elles sont nombreuses !
Rapport ville / travail, ville / transports (des personnes et approvisionnements), ville et bassin d'approvisionnement (zones de maraîchage par exemple, type de traitement des eaux et des déchets et donc éventualité que ces traitements soient des sources d'énergie à destination de la ville) etc...
Il y a là un très beau modèle à construire, en effet, mais il faut se méfier d'un trop fort engouement qui pourrait multiplier les coûteuses bévues par manque d'expérience.
Surtout, ne pas confier cette réflexion, cette tâche, à un architecte, un bétonnier ou un promoteur mais impliquer TOUT LE MONDE dans cela, ce serait la moindre des choses.
Un grand chantier, d'abord intellectuel, qui pourrait raviver le concept de conférences de citoyens.
Rédigé par : jcm | 13 octobre 2007 à 12:19
D'accord avec la prudence, Jean-Claude, avec la consultation large, l'ouverture d'un “chantier intellectuel“ ouvert à d'autres que les professionnels de la profession et les “experts“ de tout poil.
Mais attention : soit on a le temps, et il faut expérimenter, soit on ne l'a pas et il faut expérimenter plus vite et plus fort.
On mettra 20 ans à tirer des conclusions valables d'expériences de construction de villes de 15 à 50.000 habitants.
Entre temps, on aura construit 20 fois 500.000 logements, c'est-à-dire 10 millions de logements (1/3 du parc actuel). Je crains qu'on n'aie pas le temps d'expérimenter en petit.
D'autre part, construire des villes nouvelles selon des modèles nouveaux, implique la mise au point industrielle de matériaux, la formation d'ingénieurs, d'architectes, d'urbanistes, d'ouvriers spécialisés et d'artisans, bref, le développement de toute une nouvelle filière BTP qui pourrait être très rapidement exportatrice de savoirs-faire.
Cela doit se faire avec prudence, mais pas avec le dos de la cueiller.
Rédigé par : José | 13 octobre 2007 à 18:08
Vu sous cet angle José nous n'aurons pas le temps de construire le quart d'une de ces villes nouvelles avant que le prix du baril monte à 150 US$ et plus (dans 5, 8, 13 ans ?).
Et là le problème aura pris une tournure différente, avec un sacré risque de stagflation.
On verra donc des chantiers à l'abandon, gigantesques, petit à petit transformés en quasi bidonvilles.
Et là peut-être l'inventivité sera-t-elle reine car il faudra faire beaucoup avec très peu par rapport à maintenant.
Je me souviens quand j'étais gamin des concours organisés par "Système D" : cela fait partie de mes plus anciens souvenirs avec les baraquements des boulevards, à Tours, construits à la Libération et encore habités une dizaine d'années après.
Une époque foisonnante d'intelligence, d'astuces et d'entraide...
Rédigé par : jcm | 13 octobre 2007 à 19:57
J'ai bien conscience d'avoir eu une vision particulièrement optimiste des choses dans mon dernier message...
Il y aurait cependant d'excellentes raisons de se montrer parfois un peu plus "confiant dans l'avenir", certaines sources y incitent.
Par exemple : Vers le capitalisme naturel et le business écologique source d'emplois, où on lit que le solaire par concentration serait en passe de devenir très compétitif par rapport au nucléaire et au charbon.
J'y vois une excellente nouvelle.
Rédigé par : jcm | 15 octobre 2007 à 08:07
José, je n'ai pas de réponse. Je suis plutôt comme JCM, je pense qu'il faut que les villes se fassent ensemble, avec des consultations larges. Le temps manquera avec la flambée des cours des matières premières ? Certainement.... Il y a peut-être un autre aspect auquel on ne pense pas : le retour à l'agriculture. Je pense que ce sera une tendance lourde qui commencera dans une décennie probablement. Cr il y aura un retour à une agriculture plus périurbaine, plus en direct avec le consommateur, hors des circuits de distribution conventionnel. Pourquoi ? je ne continue pas ici ce serait trop long.cela me donne l'idée d'un billet.
Rédigé par : isabelle | 17 octobre 2007 à 00:20
@ Isabelle =>
Sur cette question du retour à une agriculture plus locale, un petit reportage télé ces derniers jours donnait la parole à quelques grands chefs : ils prônaient cultures locales et produits de saison.
Avec le souhait annoncé de s'orienter vers une gastronomie "plus respectueuse de l'environnement".
Nouvelle tendance ?
Rédigé par : jcm | 17 octobre 2007 à 06:43
Une ville agréable, à taille humaine, aux maisons individuelles, équipée, sans problèmes de stationnement, mais où de toutes façons on peut faire tou à pied, etc, comme vous la décrivez existe, sauf que (c'est même justement à cause de ça!) elle n'a pas été planifiée, et que tout y est ancient: c'est Doullens.
Je regrette de ne pouvoir envisager de m'y installer.
Rédigé par : Roland | 02 septembre 2008 à 15:31