Les travaux des commissions préparatoires au Grenelle de l'environnement ont été sérieux. On peut s'étonner ou regretter qu'ils n'aient pas donné lieu à un grand débat national, aient été “confisqués“ par des “professionnels“ et que la consultation du public soit réduite à un quizz, mais bon, admettons.
Reste que les choses avancent. Mais avec deux menaces : celles des lobbies agricoles, pétroliers, chimiques ou autres, silencieux jusqu'ici, mais qui commencent à donner de la voix et à grignotter les avancées potentielles ; celle de la détermination réelle de l'Etat, dont rien n'indique qu'il entend se doter des moyens d'une impulsion décisive.
Si sous l'impulsion combinée des lobbies et du gouvernement (prétextant que les caisses sont vides), le Grenelle de l'environnement doit se conclure par de la cosmétique, de la poudre aux yeux médiatique, ce sera simplement dramatique.
Une occasion comme celle-ci ne se retrouvera pas de sitôt.
Ce Grenelle ne doit pas avoir pour objet de résoudre des conflits religieux (pour ou contre le nucléaire, pour ou contre les OGM, pour ou contre le capitalisme, etc, tous débats qui doivent nourrir notre réflexion sans nous paralyser), mais de participer sérieusement à la réorientation et au redéploiement de :
- notre vision de l'avenir, compte tenu de ce que nous savons des changements climatiques,
- notre manière de produire,
- notre manière de consommer.
Cela passe par le renforcement ou la mise à niveau de notre législation. Cela passe par des pénalités et des encouragements fiscaux.
Cela passe par l'éducation de tous, à commencer par les scolaires. Cela passe par l'incitation de tous à être conscients et économes, dans la production comme dans la consommation : nous consommons, par exemple, 300 kg d'emballages par an et par personne, quand les japonais en consomment 100 kg de moins. Sommes-nous plus sots que nos voisins ?
Cela passe par la formation des professionnels du bâtiment aux nouvelles techniques de construction, d'isolation et d'économies d'énergie.
Cela passe par la mise en œuvre de grands travaux destinés, in fine, à augmenter à la fois nos capacités de production d'énergie propre et à maximiser les économies d'énergie dans le bâtiment et dans les transports : nouvelles lignes de ferroutage, isolation systématique des logements anciens, par exemple.
Cela passe par une redéfinition de l'aménagement du territoire. Aujourd'hui, l'ambiance est à la concentration verticale de la population dans des tours semées dans les grandes agglomérations, au prétexte que c'est là que se trouve le travail. Cette logique concentrationnaire fait-elle encore sens dans une civilisation des services ? Ne mériterait-elle pas d'être, au moins partiellement, inversée ?
Cela passe par l'encouragement au développement de nouvelles filières industrielles : nous sommes à la traine dans la conception et la fabrication d'équipements de production d'énergies renouvelables ou de matériaux d'isolation propres.
On le voit, le Grenelle de l'environnement est une belle occasion de nous redonner une ambition collective, de faire évoluer notre modèle de société, de changer le monde sans attendre que celui-ci ne nous change. Pourvu que cette occasion soit saisie.
Très bien dit, José, cela passe en effet par tout cela au moins.
"Pourvu que cette occasion soit saisie." : c'est là que je doute.
Car saisir cette occasion nous entraînerait vers une transition économique et sociale qui n'est pas celle qu'on nous a promise...
Tu verras que ce Grenelle ne bousculera aucune montagne...
Rédigé par : jcm | 08 octobre 2007 à 20:18
Des changements de comportements aussi rudes que ceux imposés par le risque climatique et la raréfaction des ressources ne peuvent se faire que sous la contrainte d'événements dramatiques(Catastrophes naturelles, pénuries, etc).
Il est tout à fait illusoire d'espérer quelque chose de significatif de ce Grenelle. Dans le meilleur des cas, on aura droit à un début de taxe carbonne et quelques réglements de plus sur les émissions de CO2.
Qui serait assez stupide pour assumer une politique de décroissance économique?
Rédigé par : calidris | 08 octobre 2007 à 21:30
calidris : Se mettre enfin à sauver xce qui reste de la planète, ce n'est pas une politique de décroissance économique, c'est une politique de décroissance de l'utilisation des ressources non renouvelables. Et au contraire, parce que pour répondre à ce défi, cela demande de relancer une nouvelle politique industrielle, c'est source de croissance d'emplois, de développement technologiques et de fructification de la matière grise. Je me demande à quel point il ne s'agit pas d'une tactique des lobbies adverses de cultiver l'idée que l'écologie est une source de décroissance économique.
José: le très gros problème pour moi du grenelle est que les axes de solutions valorisés et discutés -certains comme le nucléaire et les autoroutes n'ont pas été invités au programme- sont presque tous concentrés sur la responsabilité du citoyen. J'ai très peur qu'il ne se dessine non pas une politique écologique nationale à tous les niveaux de la société y compris dans les leviers dont dispose l'état, mais une écologie DELEGUEE au citoyen. Très dangereux cela. C'est manquer non seulement le tournant que représenterait ce Grenelle pour enfin plonger dans le XXIe siècle, mais en plus, cela donnera une idée tout à fait fausse de ce que serait une politique écologique aux citoyens.
J'ai écrit là-dessus sur écolo-info.http://ecoloinfo.com/2007/10/05/les-grenelle-de-lenvironnement-debattus-au-senat/
Votre avis m'intéresserait grandement
Rédigé par : isabelle | 08 octobre 2007 à 21:59
Et sur le quizz.... Encore du manque de méthodes !! Quand je lis les contributions au forum - modérées on ne sait comment - je me dis qu'on peut y prendre ce que l'on veut pour justifier ce que l'on veut. Illusion démocratique pour ne pas faire de démocratique; je ne dirais pas que les grenelle sont de la poudre aux yeuux - je ne l'espère pas- mais la consultation sur Internet, ça en est !!!
Rédigé par : isabelle | 08 octobre 2007 à 22:02
réponse à Isabelle.
Jean Marc Jancovici a écrit un article assez éclairant à ce sujet sur son site manicore.com au chapitre croissance et environnement.
Son site est le plus fiable et le plus complet sur le sujet qui nous préoccupe. Je convie tous ceux qui passent par ici à s'y plonger.
Rédigé par : calidris | 08 octobre 2007 à 22:48
Calidris : la croissance économique ne se résume à la croissance de PIB. Ce que je ressens comme être de la croissance économique, c'est la croissance de l'emploi, de la créativité économique et de la réponse à mes besoins : logement, chauffage, nourriture, transport, soin de mes enfants, etc.
je peux satisfaire mes besoins très bien (mieux ?) en générant moins de croissance de PIB mais au final plus de croissance d'emploi voire de bien-être.
Pour ma nourriture par exemple, je peux adhérer à une AMAP : je ne dépense pas plus et le paysan vit mieux de son travail, mais les intermédiaires sont contournés : moins d'échanges monétaires donc moins de croissance.
Pour mes enfants, je peux réaliser une garde partagée avec des collègues de travail -moins de PIB qu'une crèche (qui nécessite un bâtiment, des lits, des jouets etc en plus)- mais plus confortable pour moi et mes enfants, avec un emploi créé pour 2 à 3 enfants.
Pour mon transport, si je suis bien desservie, je prends les transports en commun. Moins de frais pour moi et moins de souci d'entretien. Peut-être plus de stress pendant le trajet ? J'avoue que je n'en sais rien, je n'ai pas de voiture.
La plupart des études sur ces sujets montrent que moins une technique / un service utilise de pétrole plus il est fournisseur d'emploi. Ex : les transport en communs seraient deux fois plus pourvoyeurs d'emplois / km parcouru et par passager.
Réduire par 4 nos émissions en gardant la même structure de société, c'est sûr, c'est la décroissance assurée : "ne bougez plus, ne mangez plus, etc." Mais prendre par le bon bout en inventant d'autres choses - par exemple, des sociétés productrices à la fois d'économie d'énergie (isolation) à la fourniture d'énergie (comme le solaire) - (voir la société Schüco par exemple http://www.lanouvelledimension.com/): c'est de la pure croissance économique et de la pure décroissance d'énergies fossiles.
Aujourd'hui, 19 % des techniques environnementales employées dans le monde viennent d'Allemagne. Cela n'est-il pas favorable à leur économie ?
Rédigé par : isabelle | 08 octobre 2007 à 23:18
Une étude que l'on peut trouver ici ( Le nucléaire ) montre qu'il est possible de réduire les émissions de CO2 en France tout en supprimant le nucléaire.
Le principal problème est celui des ressources disproportionnée attribuées à l’énergie nucléaire, au détriment des autres énergies.
Des études officielles, sur l’utilisation du plutonium (MOX) comme combustible dans de nombreux réacteurs, indiquent que ce secteur du nucléaire est subventionné pour environ un milliard d’euros chaque année.
Les technologies actuelles permettent d'atteindre 20 à 40% de réductions de CO2, avec une élimination progressive de l’énergie nucléaire.
De nouvelles technologies permettront de faire encore mieux, en particulier dans le photovoltaïque et les énergies marines.
Rédigé par : Jérôme | 09 octobre 2007 à 16:06