Lecture du livre de souvenirs d'un ami cher, inexplicablement perdu de vue.
De toute évidence, si sa mémoire est restée vive s'agissant des nombreuses célébrités dont il n'omet pas d'orner son ouvrage, elle est plus incertaine sur ceux de moindre notoriété.
Je me vois ainsi effacé du court récit d'un épisode mexicain plutôt pittoresque qui nous avait conduit tous deux à Ixtlan, sur les traces de l'écrivain Carlos Castaneda et de Don Juan, sorcier Yaqui, détenteur d'une connaissance chamanique et adepte des champignons hallucinogènes.
A bord d'un taxi pétaradant, après une heure et demie de route pénible, nous étions parvenus à Ixtlan, paumé dans les montagnes de Oaxaca. Là, nous avions croisé trois ou quatre paysans sans âge et quelques chiens galeux qui soulevaient avec lenteur la poussière. Mais de champignons, point, et de sorcier, encore moins.
Après quelques minutes d'errance déçue dans le village désolé, nous étions entrés nous rafraichir dans le seul bar de l'endroit. Au fond de la salle trônait un crucifix de belle taille, signe de piété, surmonté d'un poster jauni de Sylvester Stallone, signe des temps.
Nous apprimes plus tard que Castaneda, l'auteur de Don Juan et de Voyage à Ixtlan était probablement un affabulateur facétieux.
Bref, à la lecture du récit de mon ami, enjolivé de considérations passionnantes sur lui-même, mais amputé de ma présence pourtant agréable et bien utile sur le moment, du fait notamment de ma pratique de la langue locale, je me dis que le passé, loin d'être gravé dans le marbre, l'est décidément dans une matière molle, que chacun sculpte au mieux de ses intérêts du présent.
L'histoire officielle n'est pas avare de ces petits arrangements. Regardez les deux photos ci-dessus : sur la première, on voit Lénine et Trotsky, en 1919, lors de la célébration du 2e anniversaire de la révolution d'octobre. Celle du bas est bien la même, mais Staline, allez savoir pourquoi, a fait retoucher le cliché et effacer Trotsky. Licence poétique, sans doute...
ben moi quand ch'rais vieux et ben j'oublierai jamais carnets de nuit ! Na ! C'est pô des champignons certes mais avec c'que j'y lis j'hallucine quand même .... c'est coool ! même si des fois y a des bad trip :) courage p'tit bonhomme en mousse, sur le nombre de visiteurs y'en aura bien qui t'oublieront jamais ;)
Rédigé par : lény | 28 septembre 2007 à 09:10
Vous-même, José, vous omettez les petites gens. Sur la photo, c'est une vraie purge qui a été opérée : non seulement Trotski mais au moins 3 autres personnes de la photo. Etait-ce pour faire croire que c'était une autre photo ?
Rédigé par : Bertrand | 28 septembre 2007 à 10:01
Merci Leny :)
En fait, je ne suis pas très préoccupé d'être “oublié“. On pourrait même dire que je m'en tape ou que, du moins, j'ai pris sans tristesse mon parti de l'être : c'est, de toutes manières, inéluctable, à plus ou moins long terme, pour chacun de nous.
Mais je suis assez sensible à cette mécanique assez commune qui consiste, à des degrés divers de narcissisme, de gâtisme ou de malhonnêteté intellectuelle, à remettre en scène son propre passé, en oubliant tout sauf de s'y donner le beau rôle, de repeindre le décor pour avoir meilleure mine et de l'épurer des vieux meubles encombrants. :))
Rédigé par : José | 28 septembre 2007 à 10:08
Exact, Bertrand. Je suis resté longtemps à regarder ces deux photos et à me demander qui étaient ces personnages disparus ou, pour certains, remis en avant : je me suis notamment demandé si le personnage, à gauche de Lénine, plus présent sur la deuxième photo que sur la première, n'était pas Staline.
Du coup, j'ai oublié de préciser les “dommages collatéraux“ que vous notez justement.
Rédigé par : José | 28 septembre 2007 à 10:16
moi, ce n'est pas que "carnets de nuit" que je n'oublierai pas mais le Monsieur qui est derrière son ordinateur.
Rires, joies, émotions, tendresses, révoltes...
Comment t'occulter de mon chemin ?
impossible...
c'est gravé à jamais
Rédigé par : férial | 28 septembre 2007 à 10:26
Oh josé même avec un blog aussi hallucinogène, tu n'as, nous n'avons, ils n'ont pas plus d'importance que le protozoaire qui bouffe l'algue dans la vase. Ce qui n'empèche pas d'être le centre de l'univers.
Rédigé par : luluberlu | 28 septembre 2007 à 11:05
D'accord avec José, être oublié ou pas n'a aucun intérêt en ce qui me concerne. Mais ce billet ( presque comme d'habitude ) met le doigt ou autre chose sur quelque chose excessivement important : le bricolage de la mémoire que cela soit pour les petites ( ou grandes ) histoires ou l'histoire.
Rédigé par : Henri A | 28 septembre 2007 à 11:19
henri ... henri ...hmmm henri A ... p'tain ça m'dis quelque chose ça ! ??
Rédigé par : lény | 28 septembre 2007 à 11:44