Sur la forme, on l’a vu dans le billet précédent, les premiers pas de l’ère Sarkozy peuvent être caractérisés par trois mots : pouvoir personnel, contournement des institutions, action cosmétique, zapping permanent.
Compartiment par compartiment, le fond de l’action gouvernementale conforte cette interprétation non sans ajouter quelques caractéristiques, conformes aux craintes d'avant la présidentielle : choix du tout-répressif de préférence à la prévention, choix de l'effet immédiat plutôt que l'action de long terme, atlantisme accru, ignorance des réalités internationales, libéralisme économique, protection des intérêts des riches.
On notera, pour commencer, comme cela a déjà été dit ici, qu’à l’exception de l’opportun redéploiement du Ministère de l’Environnement, le redécoupage, la rationalisation de l’activité gouvernementale, la réforme de l’Etat (lire également ici ou là) n'ont pas été entrepris.
Ici et là, dans les discours, il est question de supprimer des directions administratives (la moitié), mais le gouvernement en place ne donne pas l’exemple : il est resté aussi pléthorique que son prédécesseur.
Entre répression et compassion...
En matière de sécurité, le Président de la rupture n’a pas eu à rupter. Se succédant à lui-même, fût-ce sous les traits de Michèle Alliot-Marie, dont il a nommé tous les collaborateurs et à laquelle il ne laisse que peu d’espace, la politique reste celle de la rodomontade et de l’éteignoir.
Les vols de mobiles ont diminué, maintenant que tout le monde est équipé ? C’est que l’insécurité recule. Les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes augmentent ? On évite de trop en parler. Même les policiers reconnaissent que la police de proximité faisait sens en termes de prévention ? On leur préfère toujours des descentes punitives pointillistes, brutales, spectaculaires et télévisées. Les incidents de sécurité se multiplient régulièrement dans les cités, livrées aux bandes et dans lesquelles les représentants de l’Etat (du postier au pompier) sont interdits de séjour ? On a convaincu les médias de s’en tenir éloignés.
Plan de reconstruction ? Zéro. Plan d’équipements collectifs ? Double zéro. Plan d’insertion sociale ? Triple zéro. Plan de prévention ? Inconnu au bataillon. La carotte du discours, le bâton de l’action.
L’action de la ministre de la Justice relaie plus qu'elle ne tempère celle des forces de l’ordre (qu’on appelait autrefois du joli vocable de “gardiens de la paix“). Cette jeune femme, faute d'aimer le barreau semble apprécier le bâton et ne jure que par l’abaissement de l'institution judiciaire ou par la répression : s'agissant des délinquants sexuels, au terme de la peine de prison souverainement décidée par la justice, elle se prononce pour une libération conditionnée par l'approbation d'un comité d'experts. Si une peine, bonjour les dégats, deux peines, pourquoi pas ? Comment mieux signifier qu'un séjour en prison, sans accompagnement et sans action de réhabilitation, ne résoud rien.
Cette politique de répression est attendrie par un spectacle compassionnel impressionnant, pour l'essentiel apanage du Président. Celui-ci aime les victimes, ce qui est louable, mais à voir le nombre d’enterrements auxquels il se contraint, on va bientôt penser qu’il les préfère mortes. Ne serait-il pas plus utile qu’il consacre son énergie à mettre en place des politiques de prévention, plutôt qu’à gaspiller de l’essence en accaparant, plus que de raison, les corbillards ?
Les seuls qui échappent, là comme ailleurs, à ce tout-répressif, sont les chefs d’entreprise. L’ayant été, j’apprécie l’hommage. Pour autant, croyant l’avoir été avec un minimum de rectitude et de respect des lois –dont certaines sont, au demeurant, stupides-, j’apprécie mal d’être confondu avec d’autres, au parcours plus sinueux. En un mot, je trouve inepte et indigne le projet de dépénalisation du droit des affaires. En quoi la voyoucratie prédatrice en col blanc, dont les effets désastreux sur la condition de vie et le moral de ceux qui se lèvent tôt, vaut-elle mieux que celle que d’autres pratiquent, à petite échelle, en T.shirt ?
Changeons d’air. Sur la politique de l’environnement, il n’y a rien à dire. Jean-Louis Borloo, saisi d’autisme depuis deux mois, consulte, prépare le “Grenelle de l’Environnement“. Dans une interview au Figaro Magazine, daté d’hier, il affirme qu’il donnera lieu à une trentaine de mesures avant la fin de l’année et dit vouloir promouvoir l’ONUE, l’un des derniers projets de Jacques Chirac. Nous verrons.
La France, banlieue chic des Etats-Unis ?
Sur les Affaires Etrangères, il y a plus à dire.
Le projet de mini-traité européen –tu l’as vu, moi non plus- a fait l’objet de communiqués triomphants au début de l’été. A la revoyure, ou à la simple lecture de la presse étrangère, il semblerait que cet Austerlitz était surtout une victoire d’Angela Merkel. Mais notre Président a capté l’affaire, de belle manière. Reste qu’à part la suppression du drapeau et de l’hymne européen, exigée par les polonais, on ne connaît pas bien l’étendue de la “victoire“.
L’Union européenne sera-t-elle, par exemple, indissociable de l’Otan, comme le prévoyait le Traité constitutionnel, repoussé par les français ? Les dispositions du mini-Traité seront-elles simplement d’ordre organisationnel ou contiendront-elles des “opinions“ et des options d’ordre plus philosophique ? Sera-t-elle un vaste marché économique, comme le souhaitent les britanniques ou ira-t-elle vers plus d'intégration ? Mystère et boule de gomme.
Sur d’autres aspects de la vie internationale, au-delà du show lybien du début de l'été, la position de la France est à la fois contestable et inquiétante.
Sur l’Irak, Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner ont donné le sentiment de jouer les béquilles de la politique désastreuse de George Bush et d’échanger position de Jacques Chirac (approuvée ici et partout, sauf chez les adeptes des Liberty fries) contre une autre, alignée sur les positions va-t'en-guerre des néo-conservateurs américains.
Cet atlantisme sans nuances, on le retrouve sur l’Iran : Nicolas Sarkozy est bien le seul chef d’Etat à s’être avancé, plus que Bush lui-même, en décrivant deux seuls termes possibles à la crise actuelle : soit l’Iran devient puissance nucléaire, soit l’Iran est bombardé. Soit on le laisse faire, soit pas. Ça a l’avantage d’être clair ; ça a l’inconvénient d’être très dangereux.
Sur l’Afrique, Nicolas Sarkozy s’est fendu à Dakar, le 26 juillet dernier, d’un discours dispensable, mal inspiré et d’ailleurs fort mal reçu en Afrique, qui facilitera, à nos dépens, l'implantation croissante sur le continent des Etats-Unis et de la Chine.
Tiens, à propos, rien encore sur la Chine, l'Inde, l'Amérique latine. Rien non plus sur l'Afghanistan où nos troupes sont pourtant engagées. Mais quelques encouragements à l'exportation des armes, ce qui ne fait pas une politique, mais peut remplir les poches trouées.
(à propos de poches trouées, l'économie méritera un troisième post :)
Légère différence avec votre bilan, je placerai l'éthique et le travail comme les deux éléments de ce bilan d'étape. La présidence Sarkozy pose des questions d'éthique. Sur les affaires, sur le faire savoir au lieu du savoir faire (en témoigne ce gouvernement de bleus), sur la politique étrangère ou nationale. l'éthique est en cause car Sarkozy semble vouloir prouver sa "rupture" plutôt qu'agir pour le bien du pays.
L'éthique rejoint le culte du travail quand il dénonce l'excessive pénalisation des affaires/-. Je vais prochainement po-ublier un billet sur le sujet (demain ?). la Sarkofrance est dure à vivre.
Rédigé par : Juan | 09 septembre 2007 à 21:31