Dans un monde “mondialisé“, c’est-à-dire interdépendant, la France de Nicolas Sarkozy pâtit d’un contexte économique et financier très difficile. Une conjonction rare d'indicateurs inquiétants s'accumule depuis quelques semaines et culmine aujourd'hui même : l’Euro, les matières premières agricoles et minérales sont à des plus hauts historiques, les systèmes financiers sont en crise de confiance et de liquidités, l’immobilier et la croissance donnent des signes de faiblesse. Dans ces conditions, les marges de manœuvre du gouvernement sont étroites.
A l'heure où ces lignes sont écrites, le dollar s’inscrit en effet à son plus bas historique par rapport à l’Euro (1,3905 $ pour 1 €), ce qui diminue le coût de nos importations, et maintient l’inflation à bas niveau, mais pénalise nos exportations, donc notre production et notre activité. Et ce qui, par ailleurs et principalement, témoigne d’une crise de confiance envers le dollar et les niveaux déraisonnables des déficits américains.
Simultanément, les prix des matières premières, agricoles et minérales, sont au plus haut : le boisseau de blé s’échangeait ce matin à 9 $ en Australie, contre 5 $ en mai dernier. La diminution des récoltes des cultures vivrières, qui pousse les prix à la hausse, est due pour partie aux dérèglements climatiques et pour partie à l’augmentation des surfaces agricoles consacrées à la culture de produits destinés à être transformés en bio-carburants.
Un contexte international inquiétant
S’agissant des minéraux, le pétrole, à 80,18 $ le baril (au plus haut de la séance à New York), dépasse aujourd'hui ses records de l’été dernier (78,77 $), alors que la saison des ouragans, qui ne fait que commencer, menace d'être agitée dans le golfe du Mexique.
Dans le même temps, on le voit depuis un mois, l’augmentation des prix de l’immobilier, déconnectée du reste de l’économie (elle est au moins 3 fois plus importante en France que la croissance depuis 10 ans), créatrice de spéculation puis nourrie par elle, a créé, dans le monde entier et d’abord aux Etats-Unis, une bulle parvenue à maturité, c’est à dire à son point d’éclatement.
L'ivresse immobilière a ainsi conduit à des prises de risque importantes des emprunteurs et des organismes prêteurs, agrémentées d’une “créativité technique“ visant à “dissoudre“ et à dissimuler ces risques, ce qui au premier défaut de confiance, se retourne aujourd’hui contre l’ensemble du système financier.
Les experts, souvent peu neutres, affirment que la crise sera sans lendemain et qu’elle n’atteindra pas “l’économie réelle“. On aimerait les croire, mais le plus probable est qu’ils se trompent ou qu’ils nous trompent. Le secrétaire d'Etat américain au Trésor, Henry Paulson, semble d'ailleurs de cet avis puisqu'il a déclaré aujourd'hui que la crise de confiance sur les marchés risque d'être assez longue, tandis que la BCE a, de nouveau, injecté aujourd'hui 75 milliards d'Euros de liquidités sur un marché inter-bancaire tétanisé.
Nous sommes dans un contexte de fin de cycle d’une croissance exceptionnelle qui dure depuis plusieurs années. La croissance de l’économie américaine ralentit depuis deux trimestres. Pour la première fois depuis 2003, les Etats-Unis ont détruit, le mois dernier, 4.000 emplois de plus qu’ils n’en ont créé.
En Europe, les prévisions de croissance de l’OCDE sont également en retrait depuis quelques semaines.
Un contexte français peu favorable
La France n’est pas dans une situation particulièrement brillante, qu’il s’agisse de croissance, de déficits, d’inflation ou d’emploi.
L’OCDE prévoit une croissance de 1,8%, si tout va bien, c’est-à-dire si la crise financière ne se développe pas, contre 2,2% espérés en début d’année. Le déficit commercial explose : 47,44 Md€ contre 38,17 en 2006. Celui de l’Etat se creuse et ne sera pas dans les clous européens avant 2010. Ceux des comptes sociaux atteignaient 15,4 Md€ à fin 2006, selon la Cour des Comptes.
L’inflation “officielle“ est tenue dans des limites très raisonnables, mais chacun sait désormais que ses chiffres ne correspondent pas au coût de la vie réelle ; l’emploi est dans la même situation : les chiffres officiels s’améliorent, mais outre qu’ils donnent une image optimiste de la réalité (on est plus près de 5 millions de sans-emplois que de 2 millions), leur baisse tient plus à la démographie (départ à la retraite des générations pleines du baby boom) qu’à une véritable dynamique de création d’emplois.
Dans ce contexte mondial, européen et français, le gouvernement français dispose d’une marge de manœuvre minimale. Qu'a-t-il fait depuis quatre mois ?
Nicolas Sarkozy tente, à coups de discours brillants et répétés, de créer les conditions d'un sursaut psychologique, d'une redynamisation des acteurs économiques. C'est louable, à condition que le volontarisme ne soit pas le refus du réel.
C'est le danger qui guette le gouvernement : il minore les prévisions macro-économiques faites notamment par l'OCDE (déclarations de Christine Lagarde sur le maintien des prévisions de croissance pour 2006), se montre très critique sur la politique de la BCE, revient sur les engagements de modération des déficits auprès de l'Europe, s'attaque vigoureusement en paroles au capitalisme spéculatif, de conserve avec Angela Merkel. Vieux ressort du fonctionnement de Nicolas Sarkozy, les coupables potentiels sont déjà désignés : si ça marche, ce sera grâce à moi, si ça rate, ce sera de la faute de la BCE, de Bruxelles ou des spéculateurs.
Une action économique contestable et peu adaptée
Mais derrière les mots, il y a les actes. Ils sont également parlants. Car derrière le colbertisme du discours, ils s'inscrivent pour l'essentiel, dans le droit fil des philosophies libérales, qui favorisent ouvertement une minorité -qui doit théoriquement entraîner la prospérité de tous-, et commencent par creuser les inégalités, désengagent l'Etat, réduisent son périmètre, oblitèrent ses capacités pour l'avenir et se rendent aux marchés -dont on voit bien à quel point ils exigent l'indépendance et la liberté absolue quand tout va bien et la protection des Etats quand tout va mal-.
L'action économique du nouveau mandat a commencé par le tirage d'une traite sur le futur. On n'a pas hésité pas à creuser un peu plus les déficits. Ce n'est pas forcément mauvais, si c'est pour investir. Mais on peut se demander si les 15 milliards d'Euros de cadeaux fiscaux annoncés jusqu'ici sont réellement un investissement. Et le meilleur qui pouvait être fait.
Des effets d'aubaine ont été généreusement accordés aux ménages les plus aisés, via, notamment la suppression ou la baisse des impôts sur les successions (dont étaient déjà dispensés 95% des ménages).
Des crédits d'impôt ont été également accordés sur les intérêts d'emprunts immobiliers. Destinée à soutenir le marché immobilier, cette mesure arrive sans doute à contretemps et comporte même des risques sérieux : elle fait du gouvernement un pompier pyromane, qui encourage l'endettement de ménages jusqu'ici non propriétaires, en leur faisant miroiter, contre un endettement de trente ans, des avantages médiocres sur les premières années d'emprunt. C'est exactement ce type démarche qui a conduit aux Etats-Unis à la crise des sub-primes.
Beaucoup plus positif est le crédit d'impôt d'environ 2,5 Md€accordé aux entreprises qui investiront dans la recherche et développement, pour autant que ses montants ne viennent pas en substitution des crédits des recherche jusqu'ici prévus au budget de l'Etat ou ne soient considérés comme un autre effet d'aubaine par les entreprises. En 2004, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) s’élevait à 35,5 milliards d’euros. Elle devait atteindre 36,4milliards d’euros en 2005 (dernier chiffre que j'ai pu retrouver).
Autre aspect de la politique économique en vigueur : le désengagement de l'Etat, comme acteur de l'économie, et la constitution de grands ensembles de taille mondiale, avec la privatisation de GDF et sa fusion avec Suez. On l'avait dit ici, d'autres solutions auraient été préférables (un rapprochement d'EDF et de GDF, par exemple), d'autant que Suez Environnement risque de se trouver pénalisé par cette opération.
Cette politique devrait se poursuivre avec le rapprochement d'Areva, d'Alstom et de Bouygues. En croisant les doigts pour que cette course au gigantisme “français“ ne se termine pas aussi piteusement que l'aventure Usinor, devenu Arcelor par fusion avec ses partenaires européens, et finalement objet d'un raid de l'indien Mittal.
A côté de ces grandes manœuvres, d'une promesse de souplesse plus grande pour les entreprises, de l'annonce d'une fusion de l'ANPE et de l'Unedic et des 22.000 suppressions d'emploi dans la fonction publique(c'est à la fois trop dans les secteurs concernés -et notamment l'Education- trop peu pour résorber les déficits, trop superficiel dans les arbitrages), beaucoup reste à faire.
Rien de significatif dans la réforme du fonctionnement de l'Etat et de ses administrations. Rien de significatif non plus pour définir une politique industrielle ou pour dynamiser le tissu des PME, qui semble une des faiblesses de l'économie française. Rien de significatif encore sur une politique de grands travaux (aménagement du territoire, urbanisme, transports, etc), susceptibles de soutenir la construction, dans une période où l'immobilier va faiblir. Rien non plus sur l'encouragement à la production d'énergies propres ou sur des options novatrices en matière d'agriculture vivrière et, notamment, de développement de l'agriculture bio.
On en est là... Pas de quoi s'enthousiasmer et rien susceptible de préparer ou de faire face au choc de la crise économique et financière internationale que beaucoup commencent à redouter.
quoi qu'il en soit les solutions que tu laisses entrevoir ne sont elles pas de toute façon vouées à l'échec, de simples collematages ? le système n'est il pas embalé au point de ne pouvoir tenter que de courir encore plus vite ?
Rédigé par : lény | 13 septembre 2007 à 12:14
tiens je vais mettre un lien par ici
bel effort, même si peut-etre un peu trop indulgent
faire de la mousse de suffira pas à sarko pour obtenir des résultats. et perdre son crédit de l'autre coté du rhin non plus. j'en passe.
Rédigé par : Martin P. | 13 septembre 2007 à 16:36
Elles ont bon dos, les "surfaces agricoles consacrées à la culture de produits destinés à être transformés en bio-carburants". Rappelons qu'à l'échelle planétaire, elles représentent moins de 0,5% des surfaces agricoles planétaires !!!
Rédigé par : Francis | 14 septembre 2007 à 21:12