... Le lendemain matin, le jeune homme descendit à la plage de bonne heure. Près de la route se trouvait une première crique, sorte de sas entre la ville et la nature : des alignements de gisants y étaient déjà disposés symétriquement.
Ils semblaient avoir troqué l'odeur de l'essence des voitures contre celle des huiles de bronzage, qui empestaient littéralement l'endroit.
Alex contempla un instant ce dialogue bizarre des vagues qui viennent lécher terre puis se retirent, et des touristes qui s'approchent de la mer, y trempent un pied, avant de retourner s'allonger sur la plage en rangs d'oignons.
A cent mètres de là, dans une petite crique voisine, on respirait l'air sucré des pins poussé par le vent à la rencontre de celui, plus vif, de la mer. Il n'y avait personne.
Alex nagea vers le rocher de granit, à une cinquantaine de mètres du rivage, où il passait habituellement ses journées. De là, il embrassait toute la côte, les plages noires de monde et, plus près, les pins parasols qui descendaient en rangs serrés vers la mer, puis laissaient leurs guetteurs s'avancer jusqu'au bord des rochers en surplomb de l'eau. On aurait dit des danseurs, arrêtés en plein mouvement, dans une position acrobatique. Ils écoutaient le vent.
Il restait là, nu, allongé sur un autel de granit offrant une résistance à la fois forte et fraternelle à son corps, léché par le vent qui s'en éloignait en longues flammes douces, nourries par le soleil. Ses pensées prenaient la forme du bruit des vagues qui roulaient à ses pieds et formaient des volutes d'écume, comme dans certaines gravures de Hokusaï. Le temps ne comptait plus. Il n'était plus que la conscience des éléments, vide de lui, plein de lui, plein du monde. Il était le monde...
Vinrent les dernières heures de son séjour : comme il marchait le long de la plage, il se sentit tout à coup différent de la veille. Son corps, qui s'était déployé sous le soleil, le bon air et les exercices physiques, comme une fleur pressent le soir, se refermait doucement. Il retrouvait son inclinaison de Paris et son dos se voûtait de nouveau. Il envia la beauté à venir des vacanciers récemment arrivés...
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