Depuis dimanche dernier, il n'est question que de “TVA sociale“. Sous ce nom de convenance, politiciens et médias entretiennent une étrange confusion, car le sujet est double et même triple et constitue un véritable casse-tête :
1- Il s'agit, d'une part, de remettre en cause l'abaissement généralisé des barrières douanières.
L'idée est de surtaxer certains produits importés et, notamment, ceux fabriqués dans des pays soupçonnés de dumping ou de concurrence déloyale, soit que leurs niveaux de salaires sont beaucoup plus bas que les nôtres, soit qu'ils ignorent tout système de protection sociale, soit qu'ils négligent toute précaution environnementale, soit qu'ils sous-évaluent leur monnaie.
Revenir sur l'abaissement des barrières douanières, c'est donner un coup d'arrêt à la mondialisation telle qu'on la connait actuellement et telle qu'elle a été mise en place par les think tanks libéraux depuis 40 ans. Voila qui serait peu orthodoxe pour ce nouveau gouvernement, d'inspiration libérale.
2- Il s'agit, d'autre part, de financer par ce biais le système de protection sociale français, structurellement déficitaire.
Ce système est jusqu'ici financé par le travail et par les dividendes des placements financiers des organismes sociaux.
Faut-il le modifier en abaissant sa niveau et/ou le faire financer par la consommation et, notamment, par la consommation de produits fabriqués dans les pays à bas coûts salariaux et sociaux ?
Doit-on l'étatiser plus en le finançant par l'impôt, solution, là encore, peu orthodoxe si elle est mise en place par des libéraux ?
3- Il s'agit, d'une troisième part, de compenser, par un impôt indirect sur la consommation -donc concernant l'essentiel de la population et, notamment, les plus modestes, consommateurs de produits à bas prix, souvent importés-, les réductions fiscales directes consenties à certains foyers -en général les plus favorisés- et aux entreprises.
On est là plus proche de l'orthodoxie libérale. Mais faut-il, dans ce cas, préférer une augmentation de la TVA sur la consommation ou une taxation à la source sur les importations en provenance des pays à bas coûts
salariaux ?
Cette deuxième solution permettrait notamment le calcul de taxes
différenciées et évolutives, année par année, en fonction de l'évolution des conditions de
production de chaque produit (niveau des salaires, de la protection sociale et de l'impact
environnemental du pays producteur).
On le voit, la “TVA sociale“ recouvre une série de questions complexes, qu'il serait bon de traiter une par une et non en bloc.
Il faudra, en tout cas, apprendre à arbitrer entre le travail et la consommation : on ne peut pas à la fois se réjouir de la baisse ou de la modération de certains prix (textiles, produits d'habillement, électronique grand public, etc) parce qu'ils sont fabriqués en Chine ou en Europe de l'Est et se plaindre que les usines ferment ici.
Soit on laisse faire et l'intérêt bien compris des industriels et de leurs financiers est de délocaliser les savoir-faire et la production dans les pays à bas salaires pour maximiser leurs profits sans trop pénaliser les consommateurs. Mais ce mouvement implique bien le maintien ou le développement d'un fort niveau de chômage dans les pays développés : pour payer les retraites et maintenir un niveau d'inflation acceptable, il faut générer des chômeurs dans les pays développés.
Soit on ne laisse pas faire et on pénalise, d'une part, le développement des pays émergeants, d'autre part, les profits des multinationales et, d'une troisième part, les consommateurs français ou occidentaux qui devront se faire au retour de l'inflation.
Pas simple, hein ?
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