Lu dans Le Monde daté de demain: “Nicolas Sarkozy avance la menace d'un veto français dans les négociations agricoles à L'OMC“.
A la lecture de ce titre, on se dit “chic, Sarko a pigé ce que refusait de comprendre Chirac“ (voir ici le post du 13 décembre 2005). On imagine un instant que la France va cesser de mener une politique agricole court-termiste, égoïste et faussement généreuse qui, pour protéger les marchés des grandes entreprises agricoles françaises, contribue, avec les grands pays européens et les Etats-Unis, à ruiner l'agriculture des pays en développement.
On se dit que notre pays va cesser de vendre à perte ses surplus agricole, qui plus est à des prix inférieurs aux coûts de production africains ou d'autres pays en développement, ce qui a pour effet de conduire à la faillite les agriculteurs des pays en développement et, de là, à l'émigration vers les grandes agglomérations des pays pauvres, d'où une proportion non négligeable d'entre eux se dirige ensuite vers les pays riches pour y être, comme chacun sait, accueillis à bras ouverts (un autre article du Monde indique aujourd'hui que la Chine se prépare pour ces raisons à faire face à une émigration intérieure de 400 millions de personnes dans les 15 prochaines années).
Eh bien non ! Nicolas Sarkozy étant plus fort que Chirac, il veut faire mieux, c'est-à-dire pire : “Nicolas Sarkozy a affirmé, mardi 29 mai, que la France mettrait son veto dans
les négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) si les intérêts agricoles français y sont menacés. "Le pouvoir vert, l'existence d'une deuxième
agriculture dans le monde à côté de l'agriculture américaine, la
possibilité pour les jeunes de continuer à s'installer, c'est une
question essentielle pour nous. Et si on ne comprend pas cela à la
table de l'OMC, eh bien la France mettra son veto, c'est tout", a déclaré le président de la République en marge d'une visite dans une coopérative agricole de Seine-Maritime. "S'il y a des efforts à faire, que tout le
monde les fasse. Pour l'instant, je ne vois pas les efforts que sont
disposés à faire les Etats-Unis", a-t-il ajouté, pointant également l'Inde et le Brésil.“
En attaquant les Etats-Unis, il botte simplement en touche, affirme “c'est pas moi, c'est l'autre“ et s'apprête à radicaliser une politique dont on connait déjà les effets néfastes dans les pays en développement, qui ne ralentira pas la disparition programmée de la moitié des 600.000 entreprises agricoles françaises d'ici 2013, ne prépare en rien la mutation nécessaire de l'agriculture d'ici et amplifiera les flux migratoires vers l'Europe et les Etats-Unis.
Les vaches sont bien gardées, les veaux peuvent se réjouir :)
Un détail : contrairement à ce que croit Sarko, la France n'est déjà plus la seconde puissance agricole mondiale. Le Brésil est passé devant (source : FAO).
Rédigé par : Francis | 30 mai 2007 à 02:58
Lamentable, déplorable...
5 années perdues dans ce secteur...
Rédigé par : jcm | 30 mai 2007 à 08:36
paragraphe suivant :"A Bruxelles, une source communautaire a semblé relativiser la portée de cette déclaration : "Au moins, M. Sarkozy semble favorable à un accord équilibré alors que Jacques Chirac était opposé à tout type d'accord." Sur le plan légal, la "capacité de la France à exercer un droit de veto dépend du contour final d'un [éventuel] accord", a rappelé cette source."
meuhh ;))
Rédigé par : sophie | 30 mai 2007 à 10:24
Aprés le second tour des législatives viendra enfin le temps de l'action. Plus de posture la rupture, avec quoi ? en tous cas pas avec l'agriculture FFRRAanççaise.
Sophie le confort de la vie c'est pouvoir sourire en pensant le futur tout en vivant le présent.
Rédigé par : luluberlu | 30 mai 2007 à 12:30
@Sophie : ce qui est relativisé dans Le Monde, par “une source communautaire“, c'est la portée d'un éventuel veto, pas le sens profond de la politique engagée : protéger l'agriculture française ou, plus exactement, les grandes entreprises agricoles -les plus petites sont mal barrées-, fût-ce au prix de l'enchainement mécanique suivant :
- la ruine de l'agriculture des pays en développement,
- l'accroissement dramatique des flux migratoires à l'intérieur de ces pays,
- le développement incontrôlable de zones de misère péri-urbaines (l'ONU prévoit le déplacement vers les villes de 3 milliards de personnes sur les 30 prochaines années),
- l'accroissement d'un stock colossal (100 millions par an dans les 30 prochaines années) de travailleurs à bas coût, qui concurrenceront les travailleurs de l'industrie et des services des pays développés et continueront de faire pression à la baisse sur les salaires d'ici,
- l'accroissement incontrôlable de flux migratoires vers l'Europe et les Etats-Unis,
- les conséquences sociales, civiles, militaires, sécuritaires, écologiques et autres qu'on peut deviner à partir de ces situations.
On peut rire de tout, mais cette mécanique-là, déjà en marche depuis 30 ans, ne me semble pas particulièrement réjouissante.
Que nos dirigeants -ou les candidats récents à la présidentielle, de droite ou de gauche- n'en aient pas pipé mot au cours des derniers mois et n'en tirent pas de conclusions pour l'action des prochaines années, me semble et parfaitement stupide et simplement criminel.
Rédigé par : José | 30 mai 2007 à 13:37
Les candidats n'orientent-ils pas leurs propos plus vers ce qui va les amener la ou ils veulent être que vers ce qu'ils feront quand ils y seront ? Je tendrais en toute modestie a croire qu'ils n'ignorent pas ce que tu soulèves. Ils ne nous en causent pas, certes.ça ne veut pas dire qu'ils l'ignorent.mais je suis incapable de presumer ce que l'un aurait fait ou ce que l'autre va faire.et ça, ça me permet de garder ma capacité a me marrer.même si je savais tout, ça ne changerai rien.suis donc cool.
Luluberlu, tu as l'air rigolo comme mec, mais tu es de plus en plus incohérent, c'est super charmant, je trouve.
Rédigé par : sophie | 30 mai 2007 à 18:21
Sophie, Chirac savait parfaitement et se permettait même de grandes envolées lyriques à la tribune d'instances internationales en faveur du développement, notamment en Afrique. Il n'a pour autant jamais voulu en tirer les conclusions qui s'imposent.
Rédigé par : Francis | 31 mai 2007 à 20:49