L’enjeu de la formation de ce premier gouvernement était multiple : il s’agissait d’atténuer une image “droitière“ accusée par la campagne, de donner des signes immédiats de changement à l’électorat, d’affirmer un style, de gratifier l'opposition socialiste et bayrouiste de quelques coups dans les tibias... Et, bien sûr, de composer une équipe de combat, susceptible de gagner les Législatives et, si possible, de durer au-delà.
Au total, cette première opération, sans qu'on puisse évidemment, sur le fond, en tirer des conclusions définitives dès maintenant, est plutôt positive, dans la forme, pour ses initiateurs.
Mais elle ne va pas sans interrogations sur certains de ses aspects.
1- Le nombre des ministres : Quinze, c’est le nombre moyen des ministères dans les pays comparables. Il marque une réduction drastique comparé au dernier gouvernement Villepin (16 ministres et 14 ministres délégués). Il préfigure une nouvelle architecture gouvernementale, dont le dessin et le dessein restent en suspens : que seront le nombre définitif et les attributions des Secrétaires d’Etat, nommés après les législatives ?
2- La parité : 7 femmes, 8 hommes, l’engagement est quasiment tenu en ce qui concerne les ministres. Les 4 Secrétaires d’Etats et le Haut-Commissaire déjà nommés sont, eux, tous des hommes. A suivre après les législatives.
3- L’environnement : Nicolas Sarkozy n’avait pas repris la demande de Nicolas Hulot de nommer un Vice-Premier Ministre chargé de l’Environnement. Il fait moins bien et mieux : Alain Juppé n’est “que“ Ministre d’Etat, mais l’envergure, le caractère de l’ancien premier ministre et le périmètre de son ministère devraient mettre l’environnement au premier plan des préoccupations gouvernementales.
4- Les débauchages : ils constituent une manœuvre bien conduite, destinée à corriger l’image “droitière“ de Nicolas Sarkozy et à semer le trouble dans l’opposition. Tout a été dit là-dessus, je n’insiste pas.
5- L’architecture de l'organisation gouvernementale : La réduction du nombre des ministres implique une réorganisation des compétences des ministères et, au-delà, un redécoupage de celles des administrations. Celle-ci, pour être entamée, ce qui est notable, reste encore balbutiante. Six exemples :
a. Le ministère de l’Agriculture est maintenu. On a déjà commenté ici cette “aberration“ ; il eut mieux valu maintenir Christine Lagarde dans un ministère du commerce extérieur à l’intitulé ou aux compétences élargies aux négociations commerciales internationales (OMC, budget européen et autres) et inclure l’agriculture dans l’Economie.
b. Le travail, l’emploi, la fonction publique et les affaires sociales sont répartis sur trois ministères : l’Emploi est rattaché à l’Economie et aux Finances (Jean-Louis Borloo), le Travail est rattaché aux Relations Sociales et à la Solidarité (Xavier Bertrand), la fonction publique va au Budget (Eric Woerth).
c. Le ministère des comptes rassemble le budget et les comptes publics (sécurité sociale), c’est heureux. Mais on a chargé ce ministère “de la bonne gestion“ et des “économies“ d’un poids considérable, à vocation plus sociale qu’économique, et plutôt dépensier de surcroit : la fonction publique, qu’on aurait dû, soit rattacher à un grand ministère de l’Intérieur, soit comme on le préconisait ici, à un grand ministère du fonctionnement de l’Etat.
d. Autre bizarrerie : Le Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer (Michèle Alliot-Marie) est également chargée des collectivités territoriales, séparées de la fonction publique.
e. A l’inverse, la création d’un Secrétariat d’Etat, chargé de la Prospective et de l’Evaluation des politiques publiques (Eric Besson) est intéressante dans son premier objet (le second aurait pu être rattaché à la fonction publique) et semble être une heureuse résurgence du Commissariat au Plan.
f. Enfin, le ministère du Logement et de la Ville (Christine Boutin) reste un mystère pour moi, s’il est séparé, d’un côté, des affaires sociales et, de l’autre, de l’équipement et des transports, justement rattachés au super-ministère de l’Ecologie dirigé par Alain Juppé.
Je crois qu'il avait été question de supprimer le ministère de l'agriculture mais les paysans le prenaient mal. Il faut se souvenir du tollé quand une fois on avait oublié d'ajouter "et de la pêche". Ceci étant dit le choix de Christine Lagarde est judicieux. Elle a une bonne habitude des négociations internationales, ce qui est important à ce poste. Un manque d'expérience dans ce domaine avait été la faille d'Edith Cresson au même ministère.
Rédigé par : Dang | 19 mai 2007 à 19:45
L'agriculture c'est... :
- la couche d'ozone (bromure de méthyle notamment)
- la qualité de nos eaux (utilisation de produits toxiques, qualité du couvert végétal...) et par conséquent celle de nos littoraux
- la qualité de l'air (aérosols dispersés à très longue distance...)
- la qualité des paysages et les fonctions qu'ils doivent assurer au travers du couvert
- la captation ou non de très grandes quantités de CO2 ET l'émission de très grandes quantités de ce gaz, une consommation fort importante d'énergies primaires
- une quantité de problèmes économiques, sociaux, internationaux, environnementaux... qui, de mon point de vue, sont d'une importance incomparablement supérieure à ce que pourrait être la mise en liquidation d'un groupe automobile comme Renault ou PSA (ce qui ne serait déjà pas rien !).
Ton approche de justification de l'existence d'un ministère ne tient compte que d'une fraction de PIB et non des externalités correspondant au secteur considéré.
Les externalités nombreuses et majeures à divers titres du secteur agricole me semblent démesurées par rapport à celles d'un certain nombre d'autres secteurs, presque tous en fait.
Le périmètre de l'agriculture ne correspond probablement pas à son pourcentage de PIB, et n'oublions pas de considérer ce périmètre en y incluant les impacts internationaux, bénéfiques ou regrettables, de nos pratiques agricoles (notamment les désorganisations qu'elles peuvent provoquer dans certains pays où nos surplus sont écoulés à bas prix).
En outre il faudrait que l'agriculture soit profondément réformée, nous avons déjà abordé ce sujet, José.
Il me semble qu'un ministère de l'agriculture pourrait donc tout à fait se justifier, surtout s'il ambitionnait de s'attaquer à cette réforme qui la conduirait à être beaucoup moins polluante, moins énergivore, moins destructrice de biodiversité...
Il ne me semble pas que celui que l'on nous colle soit prêt à entamer une réforme de cette profondeur, malheureusement, et nous continuerons à nous laisser empoisonner de façon "raisonnée"...
Mais attendons encore quelques mauvaises nouvelles (L’herbicide Roundup est toxique pour les cellules embryonnaires humaines) et un bon petit choc pétrolier un peu durable : le ministère aura de quoi faire !
Rédigé par : jcm | 19 mai 2007 à 21:05
Sur le point a : "Il marque une réduction drastique comparé au dernier gouvernement Villepin (16 ministres et 14 ministres délégués)."
Ce n'est qu'une réduction de mots : Villepin avait utilisé "ministres délégués" pour supprimer les secrétariats d'Etat, réduisant de 3 à 2 niveaux la hiérarchie gouvernementale. Fillon renomme les ministres délégués "secrétaires d'Etat", et garde la plupart de ces postes en garde-manger pour l'après-législatives.
Et en prime ... il recrée un troisième niveau, le "haut-commissaire ayant rang de Ministre".
C'est, à première vue, tout sauf une amélioration.
Rédigé par : FrédéricLN | 20 mai 2007 à 12:42
Banco ... le gouvernement Fillon est plus nombreux que le gouvernement Villepin. Il va même y avoir 4 membres du gouvernement compétents pour les relations avec les pays pauvres, c'est très fort.
Rédigé par : FrédéricLN | 19 juin 2007 à 17:17
d'accord avec toi, FrédéricLN, je fais un post là-dessus :)
Rédigé par : José | 20 juin 2007 à 17:58