Brice Hortefeux, second de Nicolas Sarkozy, a poursuivi hier, avec férocité, le procès en incompétence de Ségolène Royal.
Ce procès, initié par ses compétiteurs lors de la primaire socialiste, est pain bénit. Dire que l'adversaire est nul, maladroit ou incompétent, c'est le disqualifier par avance, pointer les risques que ferait courir son élection.
A cette aune, l'essentiel des médias joue un rôle parfaitement malhonnête en faveur de Nicolas Sarkozy, pointant avec complaisance les gaffes, les bourdes, les erreurs, les à peu près de l'une, les inventant au besoin, tout en restant d'une discrétion remarquable sur ceux de l'autre. Un petit point en passant. Commençons par les “montages“.
Les “montages“ ou l'art de créer le doute à partir de rien et celui de transformer des opinions en bourdes -
Dans la première catégorie, on peut ranger la visite de Ségolène Royal au
Moyen-Orient : après avoir souligné son courage, les médias s'emparent
d'une phrase au contenu anti-israélien, soit-disant prononcée par un
officiel libanais. Cette phrase, que l'ambassadeur de France
(chiraquien) n'a pas plus entendu qu'elle, fera deux jours dans les
médias, jusqu'à ce qu'il s'avère que même les israéliens n'ont rien
trouvé à redire dans l'attitude de Ségolène Royal.
Les épisodes du Québec et de la Corse entrent dans la seconde catégorie
: sur le Québec, Ségolène Royal réaffirme la continuité de la politique
française depuis le “Vive le Québec libre !“, prononcé par de Gaulle, du haut du balcon de l'hôtel de ville de Montréal, le 24 juillet 1967. Bourde ? Oui, pour les médias. Non, si l'on examine le fond.
Sur la Corse, elle redit en plaisantant ce que nombre de français
pensent et non des moindres : voici quelques années, Raymond Barre, peu suspect d'être un
plaisantin, s'était exprimé de la même manière (en substance, si les corses veulent l'indépendance, bon vent). Bourde ? Oui,
pour les médias. Non, description d'un état de l'opinion, si l'on examine le fond.
Sur l'Iran, on est dans un autre registre, mais qui relève encore de l'opinion transformée en gaffe. Ségolène Royal dit, en substance, que si l'Iran refuse les inspections de ses installations nucléaires, il se place en dehors du Traité de non-prolifération nucléaire. Dans ce cas, l'autorisation des installations nucléaires civiles, prévue par le Traité, peut ne pas s'appliquer. Réaction des médias ? Elle s'emmêle les pinceaux et confond tout. Faux. Je ne suis pas d'accord avec l'interprétation a maxima que fait Ségolène Royal, mais elle est légitime.
Après les montages ou les procès d'intention, venons-en aux gaffes, bourdes et à peu près. Là, si l'on connait par cœur celles de Ségolène Royal, aucune publicité n'est faite à celles de Nicolas Sarkozy. Or, à l'examen, on est en plein match nul. A la décharge des deux candidats, dont le moindre mot est épié depuis des mois par micros et caméras, je voudrais bien nous y voir :)
Bravitude contre héritation - On se souvient du néologisme "bravitude“, parait-il tiré de l'univers de la SF, commis par Ségolène Royal en Chine. On se souvient moins de ce récent "héritation“ (pour héritage), proféré par Nicolas Sarkozy.
Vous n'avez pas le monopole du cœur - En 1974, entre les deux tours, Giscard et Mitterrand s'affrontent au cours d'un débat télévisé. Mitterrand, patelin, distribue les promesses et oppose gauche et majorité (on ne disait pas la droite, avant 81). Giscard, agacé, fait : “Vous n'avez pas le monopole du cœur“. Jeu, set et match. De l'avis des observateurs, la phrase a fait mouche, a désigné le vainqueur du débat et celui de l'élection.
Eh bien Sarkozy, révisionniste en diable, a récemment attribué la phrase assassine à Mitterrand. Vous l'avez vu à la télé ? Non, bien sûr :)
Les sous-marins nucléaires français -
J'avoue avoir été désagréablement étonné par la réponse de Ségolène
Royal sur le nombre de sous-marins nucléaires d'attaque français. “Un... Deux ?“ avait-elle répondu à un journaliste de RMC. Aussitôt, c'est la curée.
Ce matin, sans avoir retenu la leçon pourtant répétée en boucle par ses
lieutenants, à la même question, Nicolas Sarkozy s'est également planté
sur RMC/BFM TV. Le candidat de l’UMP a affirmé que la France possédait « quatre » sous-marins nucléaires d’attaque (SNA). « Non, c’est cinq », lui a rétorqué le journaliste Jean-Jacques Bourdin.
Notons que dans ce cas, comme dans le précédent, le journaliste est aussi ignorant sur le sujet que les deux candidats.
Jusqu'à preuve du contraire, il y a en effet six sous-marins nucléaires
d'attaque (SNA), plus quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Entre
nous, si la question de les utiliser devait se poser, il y aurait bien
un spécialiste pour rappeler à temps aux responsables l'état précis des
forces armées.
La visite aux Etats-Unis de Nicolas Sarkozy
- Dans quelle catégorie doit-on ranger la prise de position sur
"l'arrogance“ de la France dans l'affaire irakienne ? Est-ce une
bourde ou une opinion ?
Si c'est une bourde, elle est doublement grave : la règle veut qu'un
ministre soit solidaire du gouvernement auquel il participe ; et qu'à
l'étranger, il s'abstienne de critiquer la politique du pays dont il
est, au moins partiellement, en charge.
Si c'est une opinion, c'est pire. A l'heure où une majorité des
américains s'est retournée et s'oppose à l'aventure irakienne, au
moment où les principaux alliés des Etats-Unis se défaussent, être
atlantiste au point de s'aligner sur la politique américaine est une
faute majeure.
Hé bé ! On est loin du prix du ticket de métro qui avait piégé Giscard au milieu des années 60. “L'affaire“ avait défrayé la chronique pendant dix ans :)
Les commentaires récents