Depuis près de trois siècles, le capitalisme a accompagné et favorisé le développement du monde occidental. Il a apporté dynamisme et progrès, sur les plans économiques, techniques, culturels, favorisé un accroissement spectaculaire des richesses et, dans une certaine mesure, leur diffusion à de larges portions de la population. Aucun autre système, à ce jour, n’a fait mieux.
Cette reconnaissance des “bienfaits“ du passé ne vaut pas blanc-seing pour le présent ou l’avenir.
Car le capitalisme a connu, depuis les années 1970, une mutation qui bouleverse sa nature : de facteur central de production de richesses jusque dans les années 1960, il est devenu son contraire. Le capitalisme entrepreneurial des décennies et des siècles passés est devenu strictement financier.
D’abord incarné par une poignée d’hommes, puis une classe très étroite (les 200 familles en France, les figures emblématiques mondialement connues de familles comme celles des Rockefeller ou des Rothschild…), le capitalisme a, peu à peu, dès le XIXe siècle, élargi sa base sociale : il s’est démocratisé avec l’émergence des classes moyennes, en Europe et en Amérique du Nord.
Un système sans visage et sans frein
Aujourd’hui, sans compter plusieurs milliards de petits propriétaires individuels, possesseurs de “valeurs d’usage propre“ (domicile, terre ou outil de travail), qui ne vivent guère de leur capital, mais, pour l'essentiel de leur travail, la base du capitalisme compte 300 à 400 millions de personnes à travers le monde (soit environ 5% de la population mondiale, essentiellement américains, européens et japonais), possesseurs d’actions ou de créances financières (comme, par exemple, leurs cotisations, obligatoires ou volontaires, pour leur retraite future).
Ces centaines de millions de personnes ne gèrent pas leur patrimoine en direct. Elles en confient la gestion à des banques, des sicav, des compagnies d’assurance-vie, des caisses de retraites, des fonds de pension qui, eux-mêmes, emploient plusieurs dizaines de milliers de personnes (30, 40.000 peut-être), chargées de faire fructifier ces fonds, à tout prix.
Qui dirige ce système ? Qui en est responsable ? Personne en particulier.
Ce qui nous conduit à la première mutation du capitalisme des trente dernières années : aujourd’hui sans visage, le capitalisme financier est désincarné. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de “profiteurs“ du système -il y a, bien sûr, une frange infime de la population qui s'enrichit considérablement en jouant des nouvelles techniques financières (LBO, etc)-, mais l'essentiel est ailleurs, dans le système lui-même.
La seconde mutation du capitalisme résulte du progrès des communications et des bouleversements qui s’ensuivent : depuis la seconde guerre mondiale, les barrières douanières ont été progressivement abaissées, la circulation de l’information, des produits, des services et des flux financiers en a été facilitée.
Aujourd’hui, le capitalisme financier est sans frontières. Le rôle régulateur des Etats est tombé en quenouille.
La troisième mutation du capitalisme tient à son succès même. Plus puissant que les Etats-nations et les politiques nationales, qu’il s’applique à démanteler, aujourd'hui, le capitalisme financier est sans frein et sans contrôle : il gère des sommes colossales, dont le poids sans rival dessine les contours du monde d’aujourd’hui, sans souci de la couleur ou de la nature des régimes politiques, à Paris, New York, Tokyo, Moscou, Pékin ou Delhi.
A fin 2003, la capitalisation boursière mondiale représentait plus de 31.000 milliards de dollars, soit 86% du PIB mondial de la même année (36.000 milliards de dollars).
Que font ces masses d’argent considérables ? Elles sont investies, sous forme d’actions ou d’obligations, dans les plus grandes entreprises. En contrepartie, leurs gérants exigent une part croissante des profits générés par ces entreprises. La norme est aujourd’hui un retour sur investissement de 15%, parfois 20%. Ce seuil ne peut être atteint et maintenu par les entreprises que de quatre manières complémentaires :
1• par un déséquilibre croissant,
dans la répartition des résultats de l’entreprise, entre travailleurs
et actionnaires, au profit de ces derniers
2• par la recherche constante de la productivité et de la croissance, à tout prix (concurrentiel, environnemental, social)
3• par la diminution constante des coûts (matières premières, transports, sous-traitance, travail) et, sa conséquence :
4• la délocalisation, c’est-à-dire la recherche frénétique, à travers le monde, du plus bas coût possible du travail.
Lorsqu’une entreprise ou un secteur a épuisé sa capacité à générer du profit pour ses actionnaires, ils sont aussitôt abandonnés pour un autre secteur, une autre entreprise qui subissent la même loi : augmentation des profits, au prix d’économies ruineuses pour les sous-traitants, puis destructrices d’emploi pour les salariés, coûteuses pour les communautés qui doivent compenser ou dédommager la perte des emplois et leur fuite vers d’autres cieux.
Un système suicidaire, incapable de se réformer
Aujourd’hui, le capitalisme financier est contre-productif, facteur d'inégalité, d'inéquité et socialement nuisible, pour les populations occidentales qu’il exploite, comme pour celles des pays en développement qu’il sur-exploite.
Mais ce n’est pas tout. Non content d’être devenu contre-productif et nuisible pour les hommes, aujourd’hui, le capitalisme financier est nuisible pour l’environnement.
La course à la croissance, au profit immédiat entraîne l’exploitation massive, non régulée, des ressources non-renouvelables, pétrole et autres matières premières, forêts, eau. Cette exploitation du monde fini ne peut être infinie.
D’autant que les conséquences calamiteuses de cette exploitation sans frein commencent à apparaître aux yeux de tous : réduction de la bio-diversité par la disparition massive d’espèces animales et végétales, réchauffement de la planète et dérèglements climatiques. Aujourd’hui, le capitalisme financier met en danger la planète.
En bref, et pour souligner l'absurdité du système, les 31.000 milliards qui circulent sans cesse autour de la terre, pour payer nos retraites, commencent par nous mettre au chômage et finissent par ruiner l'environnement des générations futures !
Stop ou encore ?
Ce système peut-il s'auto-réformer? La réponse est clairement non. La recherche du profit immédiat étant sa seule vocation, le capitalisme ne peut y renoncer, sauf à se condamner lui-même. Aujourd’hui, le capitalisme financier ne peut pas s’auto-réguler.
Peut-il être régulé de l’extérieur ? Aucune bonne volonté, aucun Etat, aucun groupe d’Etats, n'est aujourd'hui assez puissant pour contrôler, réformer ou mettre un terme à ce flux et à cette logique. Aujourd’hui le capitalisme financier ne peut être contrôlé ou réformé que par plus fort que lui.
Que faire ? Il n’y a que quatre solutions :
1• soit le cours actuel des choses se poursuit et, à 40 ans, sans s’y être préparée, la terre sera un lieu invivable écologiquement, économiquement et socialement.
2• soit des malins, “terroristes“ ou autres, piratent durablement les serveurs et lignes informatiques qui rendent possible la circulation internationale du capital.
3• soit les peuples se révoltent simultanément pour refuser ce système.
4• soit, sous la pression des citoyens, les Etats réforment profondément et rapidement les institutions internationales et leur confèrent autorité pour établir des règles de fonctionnement communes, orientées vers le bien-être de tous et la préservation du cadre de vie, réglementant drastiquement le profit, voire l'abolissant dans sa dimension financière et substituant au concept de croissance celui de progrès.
Notre préférence va évidemment à la quatrième solution. Mais saurons-nous faire l'économie des trois autres ?
le problème c'est que les solutions 3 et 4 ne peuvent intervenir avant l'acomplicement de la phase 1.
Quand à la phase 2, les meilleurs hackers soit ils font chier tout le monde avec des virus à la con soit ils se font chopper et finissent par bosser pour le gouvernement donc pour le capital.
On peut juste espérer que la poussée social fasse craquer d'un coup le système bien plus tôt que je le crois. Y en a qui pense même qu'un 5°pouvoir ou ch'sais plus quoi va changer les choses...
Sinon Chavez a 18 mois...
Rédigé par : lény | 19 janvier 2007 à 15:07
Excellente analyse!
Mais tu oublie le pivot du système : les paradis fiscaux où ton fric internationalisé se refait régulièrement une petite santé!
Si on commence à taper là-dessus, le reste devrait suivre déjà plus facilement!
Rédigé par : Le Monolecte | 19 janvier 2007 à 15:12
sauf que taper sur les paradis fiscaux signifie que des états soient prêt à le faire ce qui signifie encore qu'une pression populaire se soient insurgée contre le système, phases 3 et 4 de l'analyse de josé (je crois?).... bref le shémas reste le même....
Rédigé par : lény | 19 janvier 2007 à 15:44
@ Leny, Hugo Chávez a certes sorti en 2005 entre 25 et 35 milliards de dollars des banques US, mais pour les placer... dans des banques en Europe.
Rédigé par : Francis | 19 janvier 2007 à 18:03
lény > es meilleurs hackers (..) font chier tout le monde avec des virus à la con.
Arf, c'est parceque ça reste underground. "I love you" et consort, la cible c'était pas le grand public, la cible c'était SCO, via les utilisateurs pour démultiplier l'attaque. T'inquiete, y'a encore bcp de robin des bois.
Rédigé par : Snoop Snoop Scratchy Scratch | 19 janvier 2007 à 18:04
L'économie libérale dispose de ses propres mécanismes de régulation. Si j'en crois ce que je comprends de Galbraith, deux autres solutions sont envisageables :
5) Surinflation découlant de l'accaparement par une minorité non-productive de la monnaie
6) Apparition de nouvelles monnaies détenues par les producteurs, plus scénario 5 en découlant.
Conclusion ? Gauchistes, créez votre monnaie ! C'est plus simple que vous ne le pensez : par exemple, pourquoi ne pas en revenir à la monnaie or (ou cuivre... vu le prix du cuivre...)
Rédigé par : Le Chat (de gauche) | 19 janvier 2007 à 18:36
> snoop : ben tant mieux s'il y a des hackers qui veulent péter un certain système, je suis trés loin d'être un spécialiste mais ça n'a pas l'air de fonctionner. Je crois que beucoup sont seulement des geeks et pas des robin des bois. J'ai peut être tord...
>francis : ma remarque concernant Chavez était juste un petit clin d'oeil par rapport aux pleins pouvoir qu'il vient d'obtenir. Je ne le défends pas particulièrement. J'attends de voir mais au moins il a des cojones.
Tu as surement raison pour l'argent qu'il a placé en europe. En soit ça ne me gêne pas plus que ça si la finalité c'est une forme de redistribution. Quand nous partageons des opinions, nous nourrisson des idées des autres via le net, moi je le fait avec un mac fabriqué par des gens exploités quelque part en Asie et je l'ai payé avec un crédit sur 5 ans dans une banque, bon pas la plus conne mais une banque quand même. Ce que je veux dire c'est que vu le système les moyens de ne pas s'en servir sont quasi impossibles. En revanche si ma culture est amputée d'une connaissance sur des moyens possible, faut vite faire passer l'info.
Enfin Chavez est peut être un salopard, juste quand il y a des innitiatives d'ordre humaniste ou en tout cas pour la liberté des peuples (whoua! ça sonne bien) faut laisser pour voir.
Rédigé par : lény | 19 janvier 2007 à 19:06
1. Chavez, c'est-y pas la mode d'y taper dessus ? La mode insinuée par les médias... A qui appartiennent ces derniers ?
2. Quant on relit les deux livres d'Eva Joly ! Tiens déjà l'omerta sur elle. Qui a pourtant enfoncé bien des portes !
3. Comment on fait pour s'organiser ? Là est la question. Et je n'ai pas de réponse. du lobbying ? Et la taxe Tobin ?
4. A propos, un qui prépare son immunité post-élyséenne d'après
http://www.humanite.fr/journal/2007-01-17/2007-01-17-844119
ça vous rappelle pas un de ses copains corses parti en Afrique ?
Au fait, L'environnement : s'il a envie de s'engager sur le plan international, on pourrait lui rappeler, lui suggérer la taxe Tobin, non ?
Rédigé par : diablanc | 19 janvier 2007 à 20:28
5. Une puissance mondiale impose part les armes une décroissance gigantesque au nom de l'écologie... (Pierre Boule avait aussi envisagé un gouvernement mondiale d'experts nobelisés, dans je ne sais quel roman).
Quelqu'un a pensé a créer une Fondation pour les humains d'après la solution 1?
Rédigé par : Philippe | 19 janvier 2007 à 22:15
Et l'explosion démographique mondiale dans cette analyse me semble absente.
Mais comment ne pas imaginer des crises brutales quand toute la planète va vouloir vivre le même niveau de vie que les plus riches. Je crois que le wwwf avait calculé que la planète devrait avoir 7 fois sa surface actuelle pour accepter cela !!
L'une des autres possibilité est une catastrophe de TRES grande ampleur. Guerre, phénomène climatique, virus ou combinaison de l'un ou de l'autre.
Ce qui aurait pour effet de pousser à la reflexion un max de terriens sur les tenants et les aboutissants de la situation actuelle qui dégénère.
Une augmentation significative de l'agressivité à l'égard des autres et de soi au quotidien ne me dit rien qui vaille.
Il faut descendre plus bas pour toucher le fond , ensuite nous remonterons comme toutes les personnes en dépendances.
Ce que nous sommes, dépendants d'une société du spectacle, de la consommation de l'illusion.
Ca ira donc mieux (après) demain !
Cordialement
Rédigé par : Lo | 20 janvier 2007 à 12:53
5 MN AVANT LA FIN DU MONDE
Pas que les gaulois pour craindre que le ciel nous tombe sur la tête...
Rédigé par : jcm | 20 janvier 2007 à 13:34
Allez courage c'est pas pour tout de suite, il fait doux cet hiver, on va réélire un roi et la démocratie d'un seul va nous gaver l'existence pendant encore cinq ans ( pour le bien de l'espèce ) frères humains qui aprés nous vivrez , z'aurez du bol.
Rédigé par : luluberlu | 20 janvier 2007 à 13:55
évidemment...
Mais au delà des commentaires "la guerre est inévitable", "on va tomber très bas et on aura pris une bonne leçon, tout ira mieux ensuite", il faudrait voir à notre échelle chaque geste qui cautionne ce état de faits, dans la mesure du possible les comprendre, les corriger, les supprimer.
héritage : "la seule révolution possible c'est de s'améliorer soi-même en espérant que les autres en fassent autant" G. Brassens
Rédigé par : antoine | 21 janvier 2007 à 10:48
C'est drôle ta phrase "Aujourd'hui sans visage, le capitalisme est désincarné". J'avais écrit exactement la même pour un premier texte de Regards partagés. Une réflexion issue de la photo de la caravane dans le désert de YAB. Voici le texte que j'ai finalement écrit :"Pendant des siècles, les caravanes de dromadaires ont sillonné le désert pour le commerce du sel. Elles le font encore, bien que de façon anecdotique. Cette caravane correspond à notre image traditionnelle du commerce : elle sait où elle est, où elle va et ce qu’elle transporte, elle connaît son objectif. Peut-on en dire autant des flux monétaires d’aujourd’hui au sein du commerce mondialisé ? Fin 2003, la capitalisation boursière mondiale s’élevait à 31 000 milliards de dollars, une somme représentant 86 % de la richesse produite et comptabilisée de la planète. Les détenteurs d’actions possédaient ainsi près de la valeur d’une année de production de l’humanité entière. Point de lieu dans cette forme d’économie, les capitaux voyagent instantanément et ne sont à aucune place ; point de matérialité, les valeurs sont virtuelles et ne saurait être transformées immédiatement en monnaie sonnante et trébuchante ; point de direction ni de volonté, le pouvoir collectif des actionnaires résulte du jeu aveugle des intérêts individuels. Dépourvue d'objectif, cette forme d'économie a perdu son humanité."
Tout cela me fait si peur... Je ne crois pas qu'on puisse faire quelquechose. parce que justement, dans les citoyens (solution 4) il y a tous ceux qui, et c'est bien compréhensible, ont capitalisé sous cette forme pour leur retraite. Au fond, je crois beaucoup au scénario d'Attali, aggravé par le scénario écologique. A la fin du siècle, nous serons ce que nous laisse notre empreinte écologique et ce que nous laisseront les guerres et les révoltes : nous serons un milliard. C'est la guerre de 100 ans qui commence, ni plus ni moins. Nous, les pauvres petits utopistes, n'y arriverons pas.
Ta solution 2 est probablement la meilleure.
Rédigé par : isabelle | 21 janvier 2007 à 14:36
Solution n° 2 me semble la plus plausible. Meilleurs hackers? se font choper? ce ne sont pas les meilleurs alors. Seulement ceux que les médias de masse élèvent au rang de "génie de l'informatique"; narcissiques, ils jouent le rôle que les médias leur confèrent...
Rédigé par : assurbanipal | 22 janvier 2007 à 11:52
:) A quand un candidat qui aurait choisi comme parrain de son fils un génial hacquer !!
Rédigé par : isabelle | 22 janvier 2007 à 14:13
Isabelle n'est pas peur, mais soit lucide, l'histoire n'est pas écrite, non, nous l'écrivons chaque seconde qui passe, alor écrivons la sans peur, rien n'arrive de grave à celui qui n'attend rien.
Rédigé par : luluberlu | 22 janvier 2007 à 14:55
JUSTE UN TRUC POUR ISABELLE : JE CROIS QU'AVEC LA PRÉDICTION DE 1 MILLIARD EN 2100, ATTALI N'A FAIT QUE PLAGIER UNE SOURCE AUTREMENT PLUS SERIEUSE (BIEN QUE HAUTEMENT NUCLEARISTE MAIS DANS L'ENTOURAGE DE HULOT : JANCOVICI ET SON SITE : MANICORE).
POUR LE RESTE J'AVERTIS QUE J'AI REPRIS L'IDEE D'AURELIANO, D'ACTIVART AUSSI DE JOSE ET D'AUTRES SAN OUTE DE TRAVILLER LES SCENARIOS PLUTOT QUE LES PROGRAMMES EN BOSSANT "ENSEMBLE" SOUS FORME DE "LIBRE"
PAS TOUT DE SUITE MAIS POUR BIENTOT SUR MON BLOG
GAIA
Rédigé par : gaia | 23 janvier 2007 à 11:47
Gaia, c'est pas la peine de hurler, on t'entends très bien, même mieux je dirais, quand tu parles en minuscules...
Ah, la nétiquette, c'est un peu vieux comme concept (1995) mais faudra pas l'oublier...
Rédigé par : Seb | 24 janvier 2007 à 16:12