A quoi ressembleront les paysages et l’aménagement du territoire en Europe dans trente ans ?
La population continuera-t-elle de se concentrer dans des agglomérations de plus en plus gigantesques (aujourd’hui 80% de la population européenne vit dans des zones urbaines, qui occupent 20% des territoires) ? Les zones rurales continueront-elles de se désertifier ? Ou pas ?
L'Agence Européenne de l'Environnement (AEE), organisme d'experts basés à Copenhague, a imaginé 5 scénarios passionnants sur l’occupation des territoires, dans l'étude Prelude (PRospective Environmental analysis of Land Use Development in Europe).
Selon Axel Volkery, chef du projet, ces cinq scénarios veulent “mettre l'accent sur les leviers décisifs pour l'avenir“.
Tous prévoient pour les prochaines années des crises écologiques de grande ampleur et de nature diverse (augmentation de la pollution, crise alimentaire ou désastres climatiques).
Face à ces crises, trois d’entre eux aboutissent à un renforcement de pouvoirs politiques centralisés, deux à une réduction du rôle des Etats et à une décentralisation plus grande.
Tous ont pour conséquence de fortes migrations des villes vers les périphéries ou les campagnes et une réduction de l’espace rural.
On trouvera ci-dessous, en quelques lignes, des résumés de ces 5 scénarios.
“La grande évasion“ ou “l’Europe des contrastes“ repose sur trois hypothèses : poursuite de la mondialisation, décroissance de la solidarité, réduction du rôle des Etats.
L'Europe agricole est intensive et performante économiquement grâce aux innovations technologiques. Mais les pouvoirs publics, peu interventionnistes, laissent les marchés agricoles fonctionner librement. L'intérêt pour l'environnement est faible, le développement urbain anarchique. Quel impact sur le paysage ? Nos villes, trop polluées, sont délaissées par les populations qui ont les moyens financiers de s'établir dans des quartiers préservés à leur périphérie. Les terres agricoles pas assez rentables dans la compétition mondiale sont abandonnées, ce qui favorise paradoxalement le maintien de la biodiversité et l'amélioration de la qualité de l'eau dans ces périmètres restreints.
“Société évoluée“ ou “l’Europe de l’harmonie“, met en avant trois hypothèses : rareté de l’énergie, croissance de la conscience environnementale, interventionnisme politique.
Les populations frappées par des inondations graves et le coût de l’énergie, quittent les zones côtières à forte densité de population et migrent vers les campagnes, encouragées par des politiques volontaristes orientées vers le développement rural et des technologies de l’éco-suffisance. L’agriculture prend un tournant favorable aux cultures organiques. C’est le scénario le plus favorable à un équilibre préservé.
“Réseaux fragmentés“ ou “l’Europe des contrastes“, met l’accent sur trois hypothèses différentes : Une population vieillissante, une division internationale du travail qui marginalise l’agriculture en Europe, un interventionnisme politique plus marqué.
Les villes européennes ayant atteint un niveau critique de pollution, la demande de populations vieillissantes conduit au développement d’une politique de planification de l’espace.
La migration est encouragée vers des zones moins polluées. Des villes nouvelles sont créées, entourées de ceintures vertes exclusivement consacrées à l'alimentation des urbains, tandis qu'alentour les terres sont laissées en friche.
“Salade surprise“ (en anglais, “Lettuce surprise U“ ou Laissons-nous vous surprendre) ou “l’Europe de l’innovation“ est fondé sur trois hypothèses : l’accent mis sur l’innovation technologique, une conscience environnementale croissante et une décentralisation politique.
Une grande crise alimentaire conduit à une perte de confiance dans les autorités centrales : la décentralisation politique devient le modèle dominant, la prise de décisions locales et participatives et l’émergence de technologies innovantes sont favorisées par le développement des technologies de l’information. Les citoyens, en réseau sur Internet, échangent leurs savoir-faire et lancent des petites exploitations très performantes.
“La Grande crise“ ou “l’Europe de la cohésion“ part des trois hypothèses suivantes : une conscience environnementale croissante dans la population, une solidarité croissante, des politiques interventionnistes.
Une série de désastres environnementaux met en relief l’inadéquation des structures politiques en Europe. Elles conduisent à une demande forte d’égalité, de solidarité et de pouvoir centralisé qui met en œuvre des politiques de développement durable, sur des bases régionales, consolidées au niveau européen.
L’agriculture devient plus extensive, les transports publics se développent, la population des centres urbains décroît.
Reste à écrire un sixième scénario, celui qui prendrait en hypothèse la combinaison suivante, assez probable : poursuite de la division internationale du travail et de la mondialisation, vieillissement de la population, immigration forte, rareté de l’énergie, difficultés liées aux changements climatiques, croissance de la conscience environnementale, innovation technologique.
Lequel de ces scénarios préférez-vous ? Lequel vous semble le plus vraisemblable ?
Je trouve que les scenarios se chevauchent : difficulté de soupeser les différents champs évoqués et leurs interactions (écologique, sociologique, démographique, politique, économiquue). C'est tout le problème de la futurologie, mais il est probable que l'avenir va se jouer entre les différents agents recensés par l'AEE, avec notamment la question centrale - très politique - de la place des Etat-nations et leur fin - pour "incompétence" - ou leur retour en force à l'occasion des crises majeures qui nous attendent...
Rédigé par : Laurent | 02 janvier 2007 à 18:35
La première hypothèse me semble très probable avec toutefois quelques nuances : L'Europe agricole est intensive et PEU performante économiquement malgré les innovations technologiques.
Car le réchauffement continu des températures et l'aridification de certaines zones provoquent des baisses notables de rendements et nécessitent dans certaines régions une difficile adoption de la culture d'espèces d'origine subtropicales.
La raréfaction croissante des insectes pollinisateurs ajoute à ces difficultés et nos paysages, les oiseaux et diverses faunes ont bien souffert de leur disparition.
Les pouvoirs publics sont de plus en plus souvent appelés à combler par des subventions et aides complémentaires qui épuisent leurs finances des revenus agricoles en baisse régulière, malgré l'utilisation croissance de la moindre surface pour des cultures vivrières ou énergétiques.
On sème du miscanthus jusque sur le bord des routes pour le transformer en combustible pour chaudières et poëles.
On n'accède plus que très difficilement en voiture au coeur des villes car la plupart on banni l'automobile.
Des villes de plus en plus peuplées dans lesquelles la surface habitable par personne se réduit continuellement, la dernière mode consistant à diviser jusqu'à l'infini la moindre chambrette...
La très grande raréfaction des ressources marines a épuisé l'industrie de la pêche et il règne une sévère compétition entre les citadins riches désireux de quitter les villes surpeuplées, les agriculteurs à la recherche de la moindre surface et une industrie renaissante, celle de l'élevage des poissons de rivière.
Renaissante mais peut-être mort née, car la très forte pollution des eaux dans la plupart des régions pose de graves problèmes de qualité sanitaire de ces poissons d'élevage : seule des espèces très résistantes parviennent à maturité, mais leur chair contient de forts taux de pesticides...
On attend des "progrès de la science" qu'ils résolvent ces problèmes... en ne changeant surtout rien à rien, sous la pression de multinationales surpuissantes...
Rédigé par : jcm | 02 janvier 2007 à 19:38
J'aime à croire que les prises de conscience qui se multiplient actuellement permettront d'éviter le pire, mais nous sommes encore loin du meilleur ... remontons nos manches, et au boulot !
Belle et heureuse année 2007 :-)
Rédigé par : dominique | 02 janvier 2007 à 20:18