Coup sur coup, en une semaine, alors de que les Bourses mondiales continuent de flamber, en déconnexion totale avec les réalités économiques et géopolitiques, deux nouvelles mettent à mal le dollar et l'économie américaine.
La semaine passée, une délégation américaine de haute volée, conduite par le secrétaire d'Etat américain au Trésor Henry Paulson, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben Bernanke, la représentante pour le commerce Susan Schwab, ainsi qu'à peu près tout ce que compte l'administration Bush de secrétaires d'Etat liés de près ou de loin aux questions économiques, s'est rendue en Chine.
L'objectif, pour les américains, était d'obtenir une atténuation du déséquilibre commercial entre la Chine et les Etats-Unis (40% du déficit total américain, avec un montant record de 24,4 milliards de dollars en octobre) : d'une part, par une réévaluation de la monnaie chinoise, le Yuan ; d'autre part, par une réorientation de l'économie chinoise vers une croissance de la consommation intérieure (aujourd'hui les chinois produisent pour l'exportation, épargnent beaucoup et consomment très peu).
Leur hôte, la vice-premier ministre Wu Yi, surnommée “la dame de fer“, a renvoyé, poliment mais fermement, les huiles américaines dans leurs cordes : Ben Bernanke a dû finir par admettre que la consommation effrénée et le faible taux d'épargne des américains était source de déséquilibres pour l'économie mondiale. Mauvaise nouvelle, qui augure donc de tensions nouvelles entre les deux super-puissances.
Mais ce n'est pas tout.
Ce matin, Je gouvernement iranien a décidé de remplacer le dollar par l'euro dans ses échanges extérieurs, a annoncé le porte-parole du gouvernement iranien, Gholamhossein Elham.
"Les sources de l'étranger et les revenus pétroliers seront calculés en euros, et nous les recevrons en euros pour mettre fin à la dépendance à l'égard du dollar", a déclaré le porte-parole, lors de son point de presse hebdomadaire. "Nous procéderons aussi à ce changement pour ce qui concerne les avoirs iraniens à l'étranger."
Cette information fait écho a un projet annoncé, puis démenti ici (billet du 24 février dernier), d'ouverture d'une bourse iranienne du pétrole, libellée en Euro, destinée à mettre fin au monopole du Dollar sur le marché du pétrole.
Elle s'ajoute à la décision prise, voici quelques mois, par le Vénézuéla, de rapatrier ses avoirs en dollars.
Tout cela va dans le même sens. Les déficits commerciaux américains (près de 800 milliards de dollars en 2006), sont financés par le reste du monde (principalement Japon, Chine, Europe et pays pétroliers) qui s'inquiètent tous de son ampleur et, pour des raisons diverses (financement des retraites pour les uns, investissement dans leur propre développement pour d'autres...), n'ont pas vocation à les financer durablement.
Et si le monde cesse, brutalement ou même progressivement, de financer les déficits américains...
Tendanciellement donc, le dollar perd et perdra de la valeur. Il vaut aujourd'hui 1,3097 €. Certains le voient baisser, dans les prochains mois, jusqu'à 1,5 ou 1,8 €. Les deux seules parades seraient de provoquer une baisse brutale de la consommation en Amérique (ce qui serait politiquement désastreux) ou d'augmenter les taux de base bancaires du Dollar, ce à quoi Ben Bernanke ne peut se résoudre, car cela signifierait un ralentissement de l'activité. Coincé.
Combien de temps peut durer cette situation, à la fois figée (par absence de solution simple) et en aggravation exponentielle ?
Cela dépendra du temps, du vent, du cours du pétrole (63,15 $ le baril aujourd'hui), de la situation internationale, de la pression sociale en Chine, de l'ampleur de la crise immobilière qui s'annonce aux Etats-Unis et de la brutalité de l'atterrissage de l'économie américaine qui s'ensuivra.
Mais dans tous les cas de figure, l'Europe est en première ligne d'une situation explosive à court terme. Un dollar faible et un Euro fort pénaliseront d'abord l'économie européenne et ses exportations. C'est déjà le cas pour la France, dont le déficit commercial se creuse dangereusement depuis quelques mois.
Bien malin ou bien imprudent qui annonce une croissance de 2% pour 2007. Les candidats à la Présidentielle feraient bien d'y songer et de préparer l'opinion publique à quelques tangages de belle ampleur.
Hormis le gouvernement iranien et quelques États du même accabit, nul n'a intérêt à une crise économique américaine. L'Europe serait particulièrement touchée, et pas seulement à cause de l'euro "fort".
Reste que les déséquilibres sont patents. Une seule solution, non pas la révolution (comme on le criait dans les années qui avaient suivi 68 !), mais une correction lente et maîtrisée. Les gouvernements qui comptent (si j'ose dire !), sauront-ils y faire ?
Rédigé par : Francis | 19 décembre 2006 à 00:38
Francis,
Pas si sûr.
Je trouve que la fièvre monte et on est en plein délire.
"Une correction lente et maîtrisée".
Voilà une idée qui me séduit.
Mais dans le domaine de la séduction, je suis généralement déçue....
Rédigé par : JASMIN | 19 décembre 2006 à 09:06
@Francis - Evidemment d'accord : Aucun Etat “majeur“, Chine incluse, n'a intérêt à favoriser le déclenchement d'une crise américaine (je n'en dirais pas autant pour les pays pauvres).
Les Chinois ont besoin du débouché américain pour leurs produits, les Etats épargnants (Etats pétroliers, notamment) sont très engagés aux Etats-Unis et ont pas mal à perdre si le dollar dévalorisé fait fondre leurs avoirs en bons du Trésor US.
Reste que la situation est bloquée dans une spirale descendante (accroissement constant de l'endettement américain, quasi-impossibilité de faire atterrir son activité en douceur, etc). Sans même qu'il soit question de volonté ou de mauvaise volonté de qui que ce soit, il est très probable que tout ça finisse par nous péter à la figure. Et assez vite.
Le krach de Bangkok hier (-15%) sur une problématique proche de celle de la Chine (laisser monter le Bath ou pas ?) en est un signe avant-coureur de plus.
@JASMIN : pareil que toi :)
Rédigé par : José | 19 décembre 2006 à 19:02