Hier soir, à l'initiative de Yann Arthus-Bertrand, sur l'invitation de Jean-Louis Debré et en présence d'Al Gore, la représentation nationale -et quelques autres- était conviée à visionner Une vérité qui dérange, à la Maison de la Chimie. Les quelques 900 places de la salle principale, complétée par une seconde salle contenant 5 à 600 places n'ont pas suffi à accueillir les quelque 200 députés présents et leur suite. Quelques-uns sont probablement restés sur le pavé.
Le parterre était éblouissant. D'Elisabeth Guigou à Hubert Védrine, de Dominique Voynet à Michel Barnier, de Danièle Mitterrand à Noël Mamère, des centaines de personnalités politiques, de gauche, de droite et du milieu, avaient jugé utile de faire le déplacement. Belle et utile opération.
Le film se passe. A la deuxième vision, je vous conseille d'ailleurs toujours d'aller le voir sans tarder. Il a fait 15.000 entrées sur la France ce mercredi, ce qui est très bien pour un documentaire et le met sur les traces du Bowling For Columbine de Michael Moore.
Assis entre François Bayrou et Lyoko, je me suis fixé un objectif (dieu sait pourquoi ;) : comprendre si Al Gore relie la lutte contre les changements climatiques à une révision radicale de nos modèles économiques.
A la fin de la séance, Al Gore, parti faire le journal de France 2, revient pour répondre aux questions des spectateurs. Jean-Louis Debré, ravi, demande à la salle s'il y a des questions. Silence pesant.
Quand on a peur, il ne faut pas réfléchir. Il faut foncer, sans quoi chaque seconde vous paralyse un peu plus. Au moins, si je commence, je n'aurai pas à me présenter, non que j'ai honte, mais c'est vrai que “concierge à Montagenet“, ça fait un peu mince, comme CV, face à toutes ces huiles.
Je lève le bras. Jean-Louis Debré me pointe du doigt, un huissier me tend un micro. Lyoko, morte de honte pour elle ou pour moi, étouffe un “Ah non, pas vous !“. A côté d'elle, Christelle glousse.
“Mister President...“ Je me concentre pour éviter un “Happy Birthday, Mister Président“, d'abord, parce que ce n'est pas son anniversaire, ensuite, parce que j'aurai beau faire, je ne suis pas Marilyn Monroe... Je me demande aussi si je fais bien d'imiter Jean-Louis Debré en l'appelant “Mister President“, parce qu'enfin, Al Gore, tout vertueux qu'il est, n'a fait que Vice-President et se présente lui-même comme “ancien futur Président“. Bon, c'est pas grave, titré comme il est, il doit bien être président de quelque chose...
Dans le film, Al Gore compare l'homme -et pas seulement les français- à une grenouille que l'on trempe dans l'eau : si on la jette dans de l'eau bouillante, elle sent le danger et s'éjecte aussitôt ; si on l'installe dans de l'eau tiède en train de chauffer, elle s'y plait, y reste, ne sent pas venir le danger ; si on ne la sort pas de l'eau, elle meurt.
“Mister President, I first would like to thank you for rescuing the frog...“ Toujours détendre l'atmosphère. Eclats de rires dans la salle.
“... Now my question... How can we match what we saw in your film with the obsession most of us share, particularly in this audience, for economical growth at all cost ? “
Al Gore répond sur les grenouilles, mais botte longuement en touche sur la croissance. Il fait une réponse sur les actions individuelles et le militantisme qui me semble totalement à côté du sujet (l'ensemble des interventions de la soirée, image et son, est, sur Mémoire vive).
J'ai donc fait un bide ou plutôt, lui, en vrai professionnel a recentré sur le sujet qui l'intéresse.
Ses réponses à d'autres questions sont plus précises et riches d'enseignements. Il décrit l'impossibilité où il s'est trouvé, comme Vice-Président, butant sur les lobbies et les conservatismes, de faire passer la création d'une taxation des émissions de CO2, qui s'est finalement dégradée, diluée, en une petite taxe sur les carburants.
Il précise ensuite qu'il ne sera pas de nouveau candidat à la Présidence des Etats-Unis. Pourquoi ? Parce qu'il pense que, sur les changements climatiques, les gouvernements ne bougeront pas seuls : l'impulsion doit venir de la base, faire masse et sera seule susceptible d'activer les institutions.
Voila qui est intéressant : pour gouverner aujourd'hui, il faut prendre en tenaille les conservatismes, par la base en même temps que par le sommet. Voter, c'est bien, mais ce n'est plus suffisant. L'action citoyenne doit entraîner le mouvement. A bon entendeur...
Après un bon dîner joyeux avec Christelle, Fred et Lyoko, j'ai fini la soirée avec quelques Freemen en goguette : Seb, Robert et Guillaume de La liste à suivre, Charlie, Francesco, Aureliano, Tristram et Hugo, qu'avaient déjà rejoint Nico et Isabelle, également présents, comme Kangoo, à la Maison de la Chimie.
Au retour, vers deux heures du matin, j'ai pu constater que Paris by night est aussi animé que Nontron, papiers gras en plus. Belle soirée... Ceci conclut ma chronique mondaine, name dropping ou nightclubbing du semestre :)
La remarque de Gore sur l'agir local me fait plaisir... même si sa réverse après ta question est un peu inquiétante. Mais, c'est logique. S'il pense qu'il faut agir local pour sauver le monde, ce que je crois d'après toutes ses déclarations, il ne sert à rien de redéfinir la croissance. Elle va se redéfinir d'elle-même en même temps que chacun de nous changera ses comportements. C'est ce que tu as fait toi même en renonçant à un business en croissance. Je le fais aussi en essayant de ne pas faire croître ma boîte. Nous essayons de le faire quand nous privilégions les solutions "écologiques" à celles pourtant les plus lucratives. Nous devons semer des graines pour que de plus en plus de gens se sentent responsables et fassent des choses à leur niveau.
Rédigé par : tcrouzet | 12 octobre 2006 à 11:14
J'ai adoré ton intervention, merci M. José !
Rédigé par : nounena | 12 octobre 2006 à 11:43
trés fort José....
Dommage que même les personnes qui veulent faire changer les choses utilisent la "wooden tongue"
Rédigé par : le doc | 12 octobre 2006 à 16:24
tu contes à merveille :)
podcsat vidéo à suivre demain !
au fait ('rien à voir', bien-sûr ;) t'as appris pourquoi tous ces élus UMP déscendaient à Angoulème ?
Rédigé par : Nicolas | 12 octobre 2006 à 19:12
Oui, Nico. Ils sont en ce moment même en train d'écouter un discours de Sarko à Périgueux, retransmis Live sur LCI. Le p'tit San Nicolas, des jeunes pop, qu'on a croisé dans le train, est juste derrière le tribun :)
Rédigé par : José | 12 octobre 2006 à 19:20
Arrêttttttttteu !!!!
Tu vas nous faire prendre par tout le monde pour des froggies !!!!
Non, très bon, José !!!
Rédigé par : jcm | 12 octobre 2006 à 20:17
@jcm : hé hé, je pense de plus en plus qu'il faut mettre un peu de joie dans toutes ces choses sérieuses. On les digèrera mieux.
Rédigé par : José | 13 octobre 2006 à 09:01
@ Thierry > Tu aurais été content de l'entendre, cet homme qui a touché au plus important pouvoir politique de la planète, pendant huit ans.
A la question : “Serez-vous candidat à la présidentielle de 2008 ?“, il a répondu par un “non“ ferme (un peu attendri d'ailleurs, le lendemain, dans “Le Monde“), en ajoutant : “J'ai entamé une campagne, mais c'est une campagne pour faire évoluer l'état d'esprit des gens.“
Auparavant, il avait indiqué : “Le processus politique étant bloqué, il m'a semblé qu'il fallait passer par d'autres voies... changer la mentalité des gens... partir de la base... faire remonter un puissant courant et, de là, amener l'institution à bouger.“
Rédigé par : José | 16 octobre 2006 à 17:47
Al Gore et sa métaphore de la grenouille, quelle bêtise : http://skyfall.free.fr/?p=15
Rédigé par : rincewind | 21 janvier 2007 à 15:32
Al Gore et sa métaphore de la grenouille, quelle bêtise : http://skyfall.free.fr/?p=15
Rédigé par : rincewind | 21 janvier 2007 à 15:33