Des années 40 au début des années 70, la télévision, monopole d’Etat, était considérée par les gouvernants comme un instrument de propagande (certains se souviennent encore des interventions au journal télévisé d’Alain Peyrefitte, ministre de l’information de de Gaulle) et par certains (Malraux, notamment) comme “l’outil“ idéal de l’enseignement (via la télévision scolaire) et du développement culturel. Dans tous les cas, elle était clairement un mass media one to all.
Aux Etats-Unis d’abord, ailleurs ensuite, la télévision est entrée dans la sphère marchande. Elle est devenue une forme d’entreprise comme une autre, avec des objectifs de profit et un financement privé, procuré par la publicité.
Changeant de maîtres, elle a changé d’objectifs. Adieu édification des esprits, élévation de l’âme… La télévision est devenue l’agent principal de la propagande du système économique (et, singulièrement, du système capitalisme), une dévoreuse de “parts de cerveaux“ (selon les déclarations du PDG de TF1). La télé, des années 70 à aujourd’hui, a puissamment contribué à métamorphoser les citoyens en consommateurs.
Elle qui s’adressait à tous, à l’origine, s’est peu à peu adressée à chacun, à ses désirs, à sa gourmandise, à sa soif de paraître, d’avoir. En louant chèrement son temps d’antenne et ses parts de cerveaux à de multiples annonceurs, en démultipliant son offre (ses chaînes), en ciblant ses programmes de manière pointue, elle est passée du one to all au many to few.
Consciemment, le système avait besoin de tuer la communauté et de promouvoir l’individu en l’isolant, pour le fragiliser, le mettre à merci, pour vendre enfin.
Ce travail étant fait, chaque individu se sentant promu au rang de dernier avatar de l’humanité, chacun a pu devenir juge de tout et adopter l’attitude du consommateur en tout. L’intérêt pour la chose collective – et, singulièrement, la politique-, ne pouvait que décroître.
Mais comme ceci n’est pas entièrement satisfaisant, comme l'avoir -ou, pire, le ne pas avoir- ne remplace pas l'être, comme l’individu reste grégaire et l’homme, fondamentalement social, l’esprit de communauté, expulsé par la petite lucarne est rentré par la fenêtre, avec son cortège de “nationalismes“, de “religions“ et autres communautarismes.
Aujourd’hui que l'internet a généralisé le one to one, on assiste à l’émergence de communautés d’un genre nouveau… Mais ces communautés, par nature, sont formées d'individus-rois, jaloux de leur liberté, rassemblés autour d’un objet, d’un sujet ou d’un projet particulier, limitées dans le temps, instables.
Formées par des individus “libres“ (mais pas libres de leur condition sociale, économique, culturelle, psychologique, etc), ces communautés peuvent-elles se dépasser, prendre en compte “l’intérêt général“ et s'inscrire dans la durée, qui sont le champ même du politique ? Ou sont-elles, comme d’autres, des minuscules et innombrables sommes d’intérêts individuels, tactiques et éphémères ?
Alors reprenons notre exercice d'anglais : from one to all to one to one ? From one to all to one to few ? From one to all to few to all ? From one to all to one ?
Trop bonne question, José !
Et craignant de ne pas savoir apporter une réponse à la hauteur je sors :-).
Rédigé par : jcm | 27 octobre 2006 à 13:52
Internet c'est du many-to-many. Ou la TV c'est du push-to-all, Internet du pull-from-all.
Rédigé par : tcrouzet | 28 octobre 2006 à 12:14