Longue rencontre avec quelques personnes de Pouvoir. Pas simple de leur faire entendre qu'il faut remettre en question le concept magique de “croissance“, tant elles sont dressées à révérer ce veau d'or.
Après la figure de style imposée : “mais, mon pauvre, vous êtes un idéaliste, un gauchiste, un anarchiste !“, l'écoute vient peu à peu, pas à pas, mot à mot.
Ce n'est pas simple : ces gens ont pour métier de donner des réponses, pour conviction qu'ils les ont et, en conséquence, pour sale habitude de parler, parler, parler, sans laisser d'espace à leurs interlocuteurs. Faire “remonter“ une idée, un élément d'information chez ces adeptes de la science infuse est toute une gymnastique, voire une mission impossible. Ils s'étonnent après d'une rupture de dialogue entre le bon peuple et eux...
Certains de mes interlocuteurs finissent néanmoins, à force de contorsions de ma part et de digressions de la leur, par admettre qu'on devrait redessiner les contours de la croissance : plus de ceci (plus de services à la personne, de transports en commun, d'énergie propre, par exemple), mais beaucoup moins de cela (moins d'armement, d'industries et d'activités polluantes, de transports individuels, de consommation d'énergie, par exemple).
D'autres concèdent qu'au cours de l"Histoire, les périodes de croissance sont relativement exceptionnelles.
D'autres enfin, se laissent aller à dire qu'on ne peut continuer comme ça, que l'ensemble du système est en train de craquer.
On croit avoir ouvert une brêche. Mais aussitôt, mes interlocuteurs sont repris par le train-train infernal de leurs obligations gouvernementales, partisannes, clientélistes, carriéristes ou autres. On n'est pas rendus.
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