Ce soir a lieu le second débat télévisé qui oppose Laurent Fabius, Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn. Il y sera question d'environnement et de questions de société. Des idées proches de celles développées ici sont notamment promues par Dominique Strauss-Kahn. On en entendra donc sans doute parler ce soir.
(Ah ben ils ont changé le contenu des débats : ce soir y a société - démocratie - institutions et la semaine prochaine : Europe - International - environnement)
Estimer que la planète, dans sa diversité, est confrontée à des problèmes de survie communs, vouloir un monde plus respectueux de l’environnement, offrant des perspectives de vie mieux équilibrées à tous, refusant de vouer un culte à la seule croissance quantitative, implique des changements de modèle et des actions fortes.
Chaque année, on construit en France près de 500.000 logements. Ils
sont bâtis, pour l'essentiel, à la périphérie des grands centres
urbains, contribuant, entre autres, à leur engorgement, au
développement de la spéculation foncière et immobilière, à celui de la
pollution par l’allongement des trajets de transports, à celui du
mal-vivre.
Aujourd’hui, 80% de la population française s’entasse sur 20% du territoire. Ce modèle s'étend au monde entier et des études des Nations Unies indiquent que, d'ici 2035, près de trois milliards de personnes quitteront les campagnes pour s'installer dans les villes ou à leur périphérie. Pourquoi ? Pour fuir la misère, pour trouver du travail.
Construire à la périphérie des grandes villes, c'est construire cher. Très cher. C'est construire mal. Très mal.
Pourquoi, à l'échelle du monde, ne pas inverser ce modèle et rapprocher le travail des lieux où vivent les gens, plutôt que de les conduire à abandonner familles, maisons, modes de vie, coutumes, pour les parquer dans ces déserts urbains, où l'on suppose qu'est le travail ?
A l'échelle d'un pays comme la France, il faut penser un changement radical du modèle d’aménagement du territoire et d'urbanisation existant : cesser de faire croître les zones déjà saturées et repeupler une partie du territoire désertifié, en créant des villes nouvelles, de 15.000 à 50.000 habitants, compatibles avec les enjeux du futur.
Ces villes seront situées à moins de 50 km d’un grand axe routier ou/et ferrovière existant. Des indrastructures d'approche (ferroutage, routes d'accès, transports en commun) devront être conçues selon un plan régional et national.
Ces villes seront édifiées autour d’un cœur, constitué de bourgs existants, aujourd’hui peuplés de 3.000 à 10.000 habitants.
De taille humaine, elles auront néanmoins la taille critique pour être pourvues de centres médicaux, scolaires, d'équipements de loisirs, de systèmes de transports en commun, etc.
A la différence des villes nouvelles des années 60 et 70, elles n’auront pas vocation à être des cités-dortoir, mais seront largement autonomes dans leur activité.
Leur construction sera accompagnée de la création de quartiers d’activités commerciales, industrielles, artisanales, administratives et de services, dont l'implantation et le développement seront fortement encouragés par des mesures fiscales et para-fiscales.
L'habitat devra tenir compte des besoins sociaux de la population sur la durée : développement du télé-travail à domicile, équipements spécifiques pour le maintien à domicile des personnes âgées, etc.
Ces villes seront conçues dans le respect de normes environnementales
strictes (utilisation de matériaux de construction éco-compatibles,
isolation des bâtiments, récupération des eaux pluviales, flottes de
voitures publiques ou para-publiques et transports électriques,
économes en énergie et peu ou pas polluantes, etc), et adaptées aux
conditions locales (on ne construit pas de la même manière -conditions
climatiques, traditions architecturales, etc- à Dunkerque et à
Collioure).
S'inspirant des expériences déjà menées ici
(BedZED : Beddington Zero Energy Development, quartier expérimental dans la banlieue sud de Londres), là (quartier Vauban à Freiburg) ou là (quartier de Kronsberg, à Hanovre), elles seront économes et, autant que possible, autonomes en
énergie, notamment alimentées par la géothermie, le solaire et l'éolien.
Le développement massif et coordonné de ces villes, accompagné d'un effort de recherche et développement, permettra la mise au point et l’industrialisation de savoirs-faire (en urbanisme, en architecture, en matériaux et en techniques de construction, d’économies d’énergie, de production d’énergie propre, de communications, en transports, en services sociaux, etc) qui seront ensuite exportables.
C’est toute une série de filières, créatrices d'emplois, qui bénéficieront de ce grand chantier, dont l'ambition doit être la création, sur 20 à 30 ans, de 300 à 600 villes nouvelles, susceptibles d’accueillir 10 à 15 millions d’habitants, français natifs et immigrants.
Soyons clairs : il ne s'agit pas de forcer à la “déportation“ de populations des villes vers les campagnes, mais de proposer un mode de vie éco-compatible, plus économe, plus harmonieux, plus orienté vers la qualité de vie et d'encourager ceux qui le souhaiteront à “recoloniser“ des territoires aujourd'hui laissés à l'abandon. Notre pari, c'est que ces pionniers seront nombreux.
PS - Ce texte est la refonte d'un article publié dans Imagine 2012, voici six mois, sous le titre “Pour une politique de grands travaux“.
Je suis en train de préparer un livre sur le sujet : les positions exactes des candidats sur tous ces problèmes. La grande question de l'habitat et de l'organisation des villes (transports, énergie, filières courtes...) en fait partie. Avec objectifs, délais et mesures envisagées. Je croise les doigts : je les ai maintenant presque tous contactés pour leur proposer de s'exprimer dans cet ouvrage. J'espère qu'ils diront oui.
Rédigé par : isabelle | 25 octobre 2006 à 03:17
PS : Je suis complètement d'accord avec toi sur le fond mais je ne te rejoins pas sur la question de bâtir des villes nouvelles.
Si les habitants ne peuvent y inscrire leur empreinte, les villes n'ont pas d'Histoire.
Dans les bidonvilles (plus d'1 million de personnes qui les rejoignent chaque semaine dans le monde) les actions réussies ont été celles où on a laissé les habitants construire leurs quartiers, qui peu à peu s'intègrent à la ville d'origine.Tandis que l'etat ou la municipalité urbanisait ces territoires : égouts, eau, écoles, dispensaires,centre de police, etc., voire même le délèguait aux associations de quartiers locales. Mais sans construire pour eux. cette urbanisme là, celui des années 70, on en voit les résultats dans les banlieues aujourd'hui.
Nous n'avons pas ces problèmes ici en France aujourd'hui (accroissement des bidonvilles spontanés). Nous ne devons pas construire des villes nouvelles. Trop de choses entrent en compte pour qu'on parvienne à en faire des cités vivantes. Nous devons exploiter l es trous des villes existantes, les friches, pour en faire du neuf, montrer, proposer et à partir de là convaincre du bien fondé de l'habitat écologique. Ca a été le cas de bedzed : bâtie sur une friche industrielle de la banlieue de Londres. Et nous devons rénover l'habitat existant, parce qu'il représentera encore les deux tiers du bâti en 2050.
Rédigé par : isabelle | 25 octobre 2006 à 03:38
En complément du débat, la dépêche AFP suite au rapport de l'IFEN
L'étalement urbain, une plaie pour l'environnement
PARIS (AFP) - Jadis concentrées derrière leurs remparts, les villes ne cessent désormais d'étendre leurs banlieues tentaculaires, dévorant l'espace et bétonnant la terre, multipliant les atteintes à l'environnement et menaçant la biodiversité.
Dans son dernier rapport quadriennal, l'Institut français de l'environnement (Ifen) tire la sonnette d'alarme sur le recul préoccupant des espaces naturels en France, irrésistiblement grignotés par les lotissements, zones d'activités et routes.
Les zones artificielles couvrent désormais 8% du territoire métropolitain alors que, dix ans auparavant, elles n'en couvraient que 7%, une augmentation qui représente chaque année 60.000 hectares perdus, selon le ministère de l'Ecologie.
Une évolution qui est due plus encore au mode de vie des Français qu'à la croissance démographique, explique Guillaume Sainteny, directeur des études économiques et de l'évaluation environnementale.
Il évoque le rêve du pavillon individuel, l'aspiration à vivre au vert, l'individualisation des modes de vie, l'augmentation de la surface des logements, la recomposition des familles, sans compter la flambée de l'immobilier qui oblige les familles à faible revenu à s'éloigner de plus en plus des centres-villes pour trouver un logement adéquat.
Résultat, le modèle de ville à l'américaine, très étalée, se développe rapidement sur le vieux continent, pourtant historiquement composé de villes compactes. Or "la ville dense est le modèle le moins polluant et le plus économe en espace, en énergie, en temps et en coût", fait remarquer l'Ifen.
Car l'étalement de la ville renforce la dépendance à l'automobile, avec pour corollaire, toujours plus d'émissions de gaz carbonique (CO2), principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique.
Les grandes villes peu denses des Etats-Unis, telles que Houston ou Los Angeles, connaissent une consommation de carburant par habitant 5 à 7 fois plus élevée que les métropoles d'Europe ou d'Asie, comme Amsterdam ou Hong-Kong, selon les économistes australiens Peter Newman et Jeffrey Kenworthy.
"Les grandes agglomérations entraînent au plan environnemental une concentration de nuisances: artificialisation des sols, congestion et pollution de l'air liées aux transports, bruit, pollution des eaux superficielles, risques liés à la présence d'activités industrielles dans le tissu urbain, importante production de déchets ...", résume l'Ifen.
Ce mouvement, irréversible, génère des coûts environnementaux mais également des coûts de développement d'infrastructures - transport, branchements d'eau et d'électicité - sans parler des coûts sociaux liés à l'exclusion des personnes non motorisées et aux problèmes de santé engendrés par la pollution.
La biodiversité est la première victime de ce recul de la nature. De nombreuses espèces sont menacées en France, comme les vertébrés, et d'autres, hier banales, pourraient devenir rares, comme les populations d'oiseaux communs qui ont reculé de 27% depuis 15 ans en milieu agricole, selon l'Ifen.
"L'espace urbain se dilate et la ville diffuse colonise le monde périurbain, à tel point qu'il paraît de plus en plus difficile de réfléchir à l'évolution des territoires en séparant l'urbain du rural", avertit l'institut.
La Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (Datar) avait déjà mis en garde contre les risques d'une urbanisation des campagnes dans une étude prospective publiée en 2003 ("Quelle France rurale pour 2020").
Rédigé par : ecolo2007 | 25 octobre 2006 à 08:16
@Isabelle, ravi que tu fasses un bouquin sur ce sujet crucial. Si t'as besoin d'aide, fais signe :)
Je reviendrai sur ton second commentaire et sur le texte envoyé par ecolo2007 dans l'après-midi. Peux pas avant !
Rédigé par : José | 25 octobre 2006 à 09:41
@Isabelle (et à ecolo2007), la question des villes nouvelles n'est pas simple. La logique actuelle veut qu'on fasse grandir les villes existantes à l'infini, pour un coût (financier, social et environnemental) très élevé.
Résultat, plus on s'éloigne des centres, moins il y a d'“histoire“, comme tu dis, ou d'âme.
Plus on éloigne les gens des centres et, notamment de leur travail, plus on allonge les temps de transports (d'où pollution et mal-être).
Plus on éloigne les gens des centres, plus on doit créer (très chèrement, compte tenu du prix des terrains), des infrastructures de transport lourdes (autoroutes, métros, etc), mais aussi des infrastructures de loisirs, des parcs, des jardins, réduits au symbolique, etc.
Créer de l'urbanisation autour de petits centres existants et chargés d'histoire (de 3.000 à 10.000 habitants), avec vocation à ne pas devenir des mégapoles, pourrait changer la donne.
On aurait de l'espace moins cher. On pourrait faire du neuf avec du neuf et pas du neuf au milieu du vieux : BedZED et autres expériences sont évidemment à encourager, mais lorsque tu traverses la rue au bout de ce quartier “dépollué“, tu te retrouves dans la crasse du reste de la ville. Je doute qu'on dépasse le stade du symbolique et de l'expérimental dans ces conditions.
Amener des gens à choisir de vivre dans des villes plus petites ne sera pas le plus dur, si on leur garantit à la fois des coûts de construction, de loyer et de charges moins élevés, une qualité de vie meilleure, du temps libre gagné sur les transports.
Le plus compliqué est évidemment d'amener de l'activité. Je crois réellement que ça peut également trouver une solution par des encouragements fiscaux dont le coût sera largement compensé par les économies en infrastructures.
Tu as raison lorsque tu dis qu'il faut laisser de l'autonomie aux gens pour qu'ils s'approprient leur ville. Il faudra trouver des chemins pour ça.
Quant à la rénovation de l'habitat existant, d'accord sauf tout ce qu'il faut effectivement détruire parce que c'est irrénovable. Et n'oublie pas qu'il va s'agir de loger 10 à 20 millions de personnes supplémentaires (issues de l'immigration) d'ici 40 ans...
Rédigé par : José | 25 octobre 2006 à 19:43
Maigre contribution : pour revenir à la réalité de tous les jours - surtout quand elle va dans le sens de celle de demain, que vous proposez - où en sont les initiatives actuelles ?
J'ai rencontré aujourd'hui un Messin qui vantait la dynamique de son Maire, Jean-Marie Rausch, pret à équiper en WiFi les alentours de la gare, bientot reliée à Paris par le "vrai" TGV (1h27 en juin 2007). Il est également question d'espaces de travail partagés, d'infrastructures modernes et conviviales, bref, nous n'y serons plus "en province".
Visiblement, ce jeune actif n'est pas du tout gêné par la distance qui le sépare de la capitale, et sait que sa Mairie fera tout pour favoriser le télé-travail et réduire les distances "psychologiques".
Sans compter qu'il se sent beaucoup plus proche que nous autres parigos, d'autres centres de décision : l'Allemagne, le Luxembourg, la Suisse...
Metz, y'a pas plus "ville à la campagne", non ? Avant de faire des villes nouvelles, ne faut-il pas aller voir du côté des anciennes qui sont déjà en avance ?
...soit dit en passant, je ne connais ni Metz, ni son Maire...
Rédigé par : vidda | 25 octobre 2006 à 23:54
Oui en effet, je n'avais pas vu cela comme cela non plus. 40 millions de personnes en plus ?!!. Au fait anecdote : je suis un étudiant en architecture pour son mémoire de fin de diplôme. Tous ces enjeux : il ne les connaissait pas. Personne ne leur en a parlé pendant leurs études. Hallucinant non ?
Rédigé par : isabelle | 26 octobre 2006 à 12:00
@ Vidda > Sur quels critères faire ceci avant cela si ceci et cela sont également indispensables ?
@ José > 10 à 20 millions de personnes, et cela ne posera pas QUE des problèmes de logement... (mais je sais bien que tu le sais ...)
@ Isabelle > que cet étudiant n'ait pas connaissance de ces enjeux au travers de ses études m'apparaît comme à peu près catastrophique et montre tout le boulot que nous avons sur la planche, nous et d'autres peut-être...
Et ces 3 notes ci-dessus doivent nous inciter à ne pas trop "saucissonner notre pensée" , ce que nous faisons tous en général afin de parvenir à "penser" à peu près correctement un sujet... sauf que cette simplification prive cette pensée des paramètres connexes dont la prise en compte serait en fait indispensable à ce que le sujet soit bien pensé....
Oui, bon, c'est très clair et je ne vois pas comment exprimer cela vite et bien...
Pour faire simple comment intégrer les questions de logement actuelles et à venir à l'ensemble des questions sociales auxquelles elles se rattachent (emplois, revenus, mixité sociale...) en prenant en compte la nécessaire réduction des émissions de GES, ceci dans le cadre d'une "décroissance sélective" qui saurait prendre en compte l'accroissement de la population ?
Et là j'expose une trame assez minimaliste...
Rédigé par : jcm | 26 octobre 2006 à 12:38
Ah lala, les grandes idées...d'il y a bien trop longtemps...un étudiant en archi . qui ne connait pas la Haute Qualité Environnementale (HQE)...et bien oui, c'est normal, et allez demander en forme de boutade dans quelques agences comment ils voient les choses...
Je vous donne une réponse là-dessus: du fric, du bénéf. tout cela est fait pour créer de l'emploi, oui, mais aussi pour trouver de nouvelles débouchées, des filières...
L'environnement en soi, il est là comme il est...au gré des vents... (je suis réaliste bien au-delà des paroles idéales).
Mais il existe des normes qui se mettent en place, parfois pour le bien de tous (un hasard heureux, un double-coup marketing et politique oui !)
Bon pour ce qui est des grandes villes: à un moment donné, elles sont si énormes, qu'elles deviennent très difficilement gérables et inutilement trop peuplées.
Bien sûr, cela peut démarrer autour d'un pôle historique, c'est mieux, mais...dès que les anciens, les traditions locales qui y sont liés ont disparues, il reste, ..., oui: le décor...et c'est tout !
Je simplifie, mais mettre en valeur effectivement des lieux de communications, des pôles efficaces où l'on trouve étudiants/chercheurs, entreprises innovantes et diverses solutions de créations industrielles ou non... les noyaux efficaces à l'agglomération et à l'accueil sont les points clés: des distances raisonnables mais aussi des "raccords" aux voies de communication vers les villes possédant des activités culturelles ou sportives de haut niveau...
Beaucoup à développer, je sais, ceci est un repère. A bientôt.
AkoZ
Rédigé par : Ako Z°om | 26 octobre 2006 à 21:01