Le projet de loi portant sur la fusion GDF/Suez est une absurdité.
Constituer un ensemble puissant pour la production et la distribution d'énergie n'est pas sot. C'est même vraisemblablement nécessaire, par les temps qui courent. Mais en profiter pour dénationaliser GDF, au mépris de toutes les promesses et à rebours de l'intérêt général, est stupide et irresponsable.
En profiter, s'agissant de l'Etat, pour se dépouiller d'un levier stratégique (l'actionnariat majoritaire dans GDF), à l'aube d'une période troublée dans le secteur, aurait relevé, en d'autres temps, de la haute trahison.
D'autant que d'autres solutions existent, à commencer par la plus évidente (que l'on rappelait ici, dès le 26 février dernier : il y a quelques années encore et depuis la loi de nationalisation de 1946, EDF-GDF ne formait, de fait, sinon en droit, qu'une seule entreprise. Il n'est pas venu à l'idée de nos gouvernants -de gauche, avant que le droite ne reprenne le dossier- de finir de les rassembler en constituant un seul pôle Energie, en 1999.
Rassembler EDF et GDF, voila ce qu'il fallait/faudrait/faut faire, et faire prendre ensuite une participation de cet ensemble renforcé dans Suez ou Véolia ou, mieux, croiser les participations, afin que l'affaire coûte moins cher ou rien à l'Etat. On n'aurait pas risqué, dans un tel rapport de force, la perte de contrôle strétagique par la puissance publique.
Mais non ! On est plus préoccupé d'idéologie que de stratégie industrielle dans les cabinets ministériels ou dans certains partis. On se dit, par exemple, qu'il est temps “de purger notre économie, dans le secteur concurrentiel, de ses vielles chimères d'économie administrée qui ont sclérosé le pays“ ou que Mestrallet (patron de Suez), saura mieux y faire et à moindre coût politique pour détricoter les avantages sociaux “extravagants“ des gaziers. Quel puissant calcul ! Quelle ampleur de vision !
PS- Quelle marge de manœuvre reste-t-il à l'opposition pour contrer ce projet, qui n'est, après tout, qu'une conséquence de son imprévoyance, en 1999 ? Mobiliser les gens, les gaziers d'abord -sans doute, plus sur la garantie de maintien de leurs avantages sociaux que sur une stratégie énergétique- et, pour cela, gagner du temps en bloquant le débat parlementaire par le pitoyable dépôt de 137.000 amendements.
Tout cela ne fait que contribuer à discréditer un système dans son entier. Il est navrant que le législateur, théorique émanation de l'intelligence et de la volonté collective, ne dispose d'autres armes que le concours de boules puantes en cours de récré.
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