On trouvera, ci-dessous, de larges extraits d'un article paru, ce jour, dans Le Monde :
“Le numéro un mondial du BTP [Vinci] est plongé dans une crise majeure entre son président, Antoine Zacharias, et Xavier Huillard, nommé directeur général le 9 janvier.
Celui qu'on présentait comme le dauphin du président ne se laisse pas faire, après un parcours sans faute depuis dix ans au sein de l'entreprise. Il a donc pris conseil d'un avocat et envisagerait une action judiciaire.
PIED-À-TERRE, STOCK-OPTIONS
Dans une lettre aux seize administrateurs, que s'est procuré Le Parisien du 1er juin, il écrit : "Je réalise avoir été le paravent honnête d'un homme qui a progressivement entrepris de s'enrichir au-delà de toute raison sur le dos de Vinci." Et de détailler les avantages que l'entreprise a consentis depuis 2000 à M. Zacharias : des "millions de stock-options" qui, "sur la base du cours actuel", l'ont enrichi de "plus de 250 millions d'euros", "un pied à terre parisien" et "l'achat, la structuration et la décoration intérieure d'un ensemble destiné à loger les 3 membres de la présidence du groupe pour un coût total d'environ 50 millions d'euros". Il y révèle également que M. Zacharias a l'intention "de se délocaliser en Suisse afin d'échapper à plus de 100 millions d'euros d'impôts".
PRIME POUR LE RACHAT D'ASF
La guerre entre MM. Huillard et Zacharias a commencé lors du conseil d'administration du 28 février : le directeur général émet alors une réserve à la demande de son président "d'une juste rétribution" - une prime de 8 millions d'euros - de ses services dans le cadre du rachat réussi des Autoroutes du Sud de la France (ASF).
Lorsqu'il a abandonné ses fonctions opérationnelles au début de l'année, M. Zacharias avait déjà touché une indemnité de 12,9 millions d'euros (Le Monde du 6 avril). Il s'était aussi vu accorder une retraite complémentaire équivalente à la moitié de son salaire - 4,3 millions d'euros en 2005 - l'un des plus élevé du CAC 40. Sans compter les jetons de présence, les stock-options, et autres avantages en nature. Un package de près de 55 millions...“
Après le parachute platiné de l'ancien Président de Carrefour, viré en début d'année pour absence de résultat, avec un pécule évalué -de mémoire- à plus de 38 millions d'Euros ; après la révélation, la semaine passée, par Marianne, du montant et des évolutions des revenus de certains patrons du CAC 40 (Jean-Philippe Thierry/AGF + 92,47% entre 2004 et 2005, Gérard Mestrallet/Suez + 58,12%, Jean Laurent/Crédit Agricole +57.55%, Henri Proglio/Véolia +44,33%, Serge Tchuruk/Alcatel +38.07%, etc), voici une nouvelle affaire qui illustre les dérives scandaleuses et peu durables du capitalisme.
La rémunération du travail diminue au profit de la rémunération du capital. Sauf pour une caste de dirigeants qui ont fait main basse sur les entreprises et sont plus que grassement rémunérés, avec un seul objectif : augmenter les profits, pour nourrir les actionnaires. Coûte que coûte : en termes d'emploi comme de rémunération des salariés de base.
Ces chiens de garde de l'actionnariat, souvent issus de la haute fonction publique, se comportent comme des mercenaires, des soudards. Ils pillent, volent, détournent. Sans vergogne. Sans limites. Jusqu'à quand ?
Le pire est que leur inconduite, aujourd'hui publique, est malheureusement “exemplaire“ pour l'ensemble de la société. Il n'est plus rare de voir des petits patrons s'y mettre, cumulant voitures de fonction et autres avantages en tous genres, pompés sur leurs sociétés, tandis que l'évolution de la masse salariale reste désespérément plate depuis cinq ou six ans.
Un patron d'agence de pub me confiait, il y a quelques jours, que son job le plus dur aujourd'hui est de motiver les jeunes générations de salariés, auxquelles on ne sait offrir ni perspectives d'évolution de poste, ni reconnaissance salariale. Il est sûr que des "exemples" comme celui de Zacharias ne sont pas faits pour donner envie, à qui que ce soit, de se défoncer dans son travail.
Faute d'une réforme rapide (limitation des émoluements des patrons pour commencer), l'amoralité de ce système sera sa tombe.
PS- Ce soir, Antoine Zacharias, a démissionné, après avoir été mis en minorité au cours d'un Conseil d'Administration de Vinci. On ne le plaindra pas.
Tout le raisonnement de ce capitalisme est basé sur une idée qui est "puisque le système le permet, c'est que c'est juste". Effectivement ils ne comprendront que si ça pète. Que quand ça pètera, pardon. Il n'y a pas un petit côté d'avant 1789 dans cette situation (le roi - l'actionnaire / le gueux - le travailleur) ? Le sens de l'histoire est peut-être juste que les hommes usent des systèmes jusqu'à ce qu'ils les foutent en l'air.
Par ailleurs effectivement j'entends beaucoup dire que les étudiants, même dans les grandes écoles de commerce, ont une défiance de plus en plus grande vis-à-vis du monde de l'entreprise.
Rédigé par : Adam Kesher | 01 juin 2006 à 18:47
"Il est sûr que des "exemples" comme celui de Zacharias ne sont pas faits pour donner envie, à qui que ce soit, de se défoncer dans son travail." : oh que non, José !
Mais le régime de travail fait du train train de l'habitude, sans grande motivation parce-que l'on n'attend rien de plus que son salaire dont on sait qu'il n'augmentera pas,
est une solution qui ne porte de sens que celui d'un certain découragement.
Un régime de passivité...
Il y aurait peut-être une forme de résistance à mettre en pratique, façon grève du zèle : introduire une sorte de revendication permanente et diffuse qu'il serait très difficile de sanctionner mais qui, au bout d'un certain temps, toucherait là ou cela fait mal.
Un de ces mille petits moyens de faire bientôt déborder le vase ?
Rédigé par : jcm | 01 juin 2006 à 19:22
On leur a dit vous avez 5 ans pour vous gaver apres ce sera plus difficile, apparemment ils ont bien entendu le message.
Rédigé par : Fred | 01 juin 2006 à 19:46
et hop, il a démissionné, avec des dizaines de millions in the pocket... next one ?!
Rédigé par : Nicolas Voisin | 02 juin 2006 à 09:41