Ford a annoncé jeudi son intention de diviser par deux le nombre de ses fournisseurs en équipements automobiles afin de réduire ses coûts et relancer ses résultats sur le déclin.
La logique est la suivante : pour survivre, satisfaire ses actionnaires, gagner des parts de marché ou résister à la concurrence internationale, une grande entreprise doit faire des économies. Pour cela, avant de décimer les rangs de ses propres salariés, elle commence par assassiner ceux de ses sous-traitants. Ça coûte moins cher, ça se voit moins, c'est moins douloureux.
Ça s'habille de jolis discours très hypocrites : “nous avons travaillé avec nos principaux fournisseurs sur de nombreux programmes visant à éliminer le gachis, augmenter le montant de nos économies, élever les économies d'échelle, améliorer la qualité et la satisfaction des clients et créer un nouveau cadre de relations renforcées,“ a ainsi expliqué Tony Brown, le responsable des achats chez Ford.
Donc on élimine un certain nombre de sous-traitants, qui devront licencier et, à terme, mourir. On concentre ses commandes sur quelques autres, d'abord contents puisque leur chiffre d'affaires va monter. Très vite, cependant, ils déchantent car commence alors un jeu sado-maso dans lequel le sous-traitant joue inévitablement le rôle du maso : je fais grimper ton chiffre d'affaires, mais tu dois baisser tes prix et augmenter la qualité des produits ou de tes prestations.
Le sous-traitant est ainsi entré dans un cercle vicieux où, pour satisfaire son client gourmand, il délaisse d'autres marchés, se fragilise, pressure ses salariés, finit à son tour par perdre de l'argent, se mettre en péril, licencier, etc. Quand le sous-traitant “n'a plus de jus“, la grande entreprise trouve son remplaçant, au bout du monde, s'il le faut.
Cette logique cannibale du capitalisme qui a d'abord exploité de cette manière les matières premières du monde entier aboutit aujourd'hui à la destruction systématique d'emplois qualifiés dans tous les pays développés. Nulle crainte, quand ce sera fini ici, ça se poursuivra en Chine, en Inde ou ailleurs, notamment quand la robotique permettra de se passer du dernier travailleur chinois.
A qui Ford vendra-t-il des voitures ce jour-là ? Aux vieilles retraitées américaines ? A d'autres ? Telle est la question.
Reste une autre question, fondamentale : le capitalisme s'est développé parce qu'il était le système le plus créateur de richesses pour la communauté (capitalistes, cadres, salariés). Aujourd'hui, dérégulé, livré à lui-même, il devient créateur de pauvreté pour ces deux dernières catégories. Un parasite finit toujours par tuer ses victimes, parfois même il meurt de les avoir tuées. Ou, deuxième solution, il est éliminé par elles. Au choix.
Je préfère la deuxième solution! Tuons le parasite!! ;)
Il ne tient qu'à nous que le monde change mais pour l'instant j'ai l'impression que les gens préfèrent laisser faire malheureusement. Vivement qu'il y ait un déclic!!!
Rédigé par : claire | 29 septembre 2005 à 20:34
Effectivement il y a désormais dans les entreprises une fonction qui s'appelle "Direction des Achats" et dont l'objectif est purement et simplement de faire baisser les prix des fournisseurs. C'est le job que j'aimerais le moins faire au monde, je crois !
Les Directions des Achats ne comprennent souvent pas grand-chose aux métiers des fournisseurs qu'elles pressurisent. Peu importe, l'objectif est de leur maintenir la tête hors de l'eau juste ce qu'il faut pour qu'ils ne meurent pas. C'est ce que fait très bien la grande distribution par exemple.
Les pratiques des directions des achats sont parfois incroyables : système d'enchères inversées (à une heure donnée, les fournisseurs doivent se connecter sur un réseau qui permet d'afficher les propositions, et le moins-disant l'emporte).
Dans la logique capitalistique, il est naturel d'en venir à mettre en place des directions des achats. Ce n'est pas la logique de direction des achats qu'il faut questionner, c'est la logique de profit. Cette logique qui élimine la raisonnement sur la qualité pour ne conserver que le raisonnement financier.
Comment exprimer l'exigence de qualité dans nos sociétés ?
Et le pire, c'est que toutes les entreprises sont loin d'avoir mis en place des directions des achats. le pire est à venir.
Rédigé par : adam Kesher | 30 septembre 2005 à 17:35
Adam, tu as raison sur les directions des achats, on n'a pas vu le meilleur. Raison encore sur le fait que ces “directions“ ne sont qu'un instrument d'une politique plus globale destinée à augmenter, sans désemparer, le profit.
Cette logique est aujourd'hui déconnectée du réel (je veux dire des hommes) et donc suicidaire. Elle met effectivement en cause le capitalisme dont la nature (ou le costume) a changé depuis quelques décennies et qui devient, au sens propre, nuisible.
Mais où est l'alternative, dans un monde interconnecté et interdépendant ? J'avoue ne pas trouver de solution simple. Ça mériterait qu'on s'y penche sérieusement...
Rédigé par : José | 30 septembre 2005 à 19:44
Oui. Je suis comme beaucoup : très critique et pas trèsq force de proposition. Et souvent encore plus critique vis-à-vis des propositions alternatives que du système lui-même. Je serai ravi d'y réfléchir plus globalement. Il faut donner du sens à l'économique. Comment ? Quelle alternative à la logique de profit ? Le problème est-il dans la recherche de profit ou dans les modalités de redistribution ? Je me pose beaucoup de questions...
Rédigé par : adam Kesher | 01 octobre 2005 à 15:49
Bon, je vois qu'on en est au même point. Alors cherchons, cherchons, il en sortira toujours quelque chose...
Rédigé par : José | 01 octobre 2005 à 18:03