Croissance ou Progrès ?
La croissance du PIB est l’alpha et l’oméga du discours politique, en France, comme en Europe et ailleurs. Depuis des dizaines d’années, elle est la mesure du progrès (voir post “Comment mesurer le progrès ?“, du 25 avril). Mais ces deux mots, croissance et progrès sont-ils vraiment compatibles ?
Ci-dessous un schéma éclairant : en gris, la croissance du PIB US, de 1950 À 2002 (GDP : Gross Domestic Production/PIB) ; en noir l’évolution du GPI (GPI : Genuine Progress Indicator/Indice de Progrès Authentique).
Qu’est-ce que ce GPI ? C’est une mesure calculée sur la base du PIB, que l’on pondère de la manière suivante : on y ajoute la valeur du travail domestique (quand vous faites la cuisine, le ménage, le gardiennage de vos enfants, c’est un travail valorisable, mais non rémunéré, non valorisé par la collectivité, non comptabilisé dans le PIB) ; à l’inverse, on en retranche l’impact du crime, des crises familiales, de la pollution, de la consommation de ressources naturelles non-renouvelables (au-delà du charbon, du pétrole, le bois transformé en meuble est une valeur ajoutée, mais l’arbre transformé en bois est une valeur retranchée), des dommages environnementaux à long terme, du poids de la dette extérieure, etc.
Je suis, en l’état, incapable de certifier la rigueur des méthodes ou l’exactitude des calcul ayant abouti à ce schéma (pas plus d’ailleurs que je ne suis capable de certifier les comptes de la nation ou l’exactitude du taux d’inflation en France), mais deux choses me semblent évidentes :
1- l’indice de croissance ne reflète pas du tout le progrès réel (ou son absence) d'un pays ou de l'ensemble des pays. On peut croître sans progresser, voire en régressant, c’est ce qu’indique ce schéma.
2- nos comptabilités nationales ne prennent en compte qu’une partie des éléments qui constituent le véritable bilan de santé des pays.
Ne serait-il pas temps de s'en préoccuper ? En France, notamment, où les événements récents montrent à quel point le ressenti de la population diffère des informations “officielles“ ?
Source : Redefining Progress, une association américaine, dont l’objet est, comme son nom l’indique, la redéfinition du progrès. Pour plus de détails, allez voir ce site.
Ce thème est absolument central. En très gros, nous pilotons ajourd'hui un avion, le monde, sans visibilité (il est devenu trop vaste, trop complexe pour être appréhendé en "visuel"). Nous pilotons donc "aux instruments". Or le tableau de bord est FAUX ! Le truc qui est censé nous donner la direction, l'altitude etc. ne fonctionne pas. Et tout le monde a aujourd'hui les yeux rivés sur ce truc, et se crêpe le chignon pour savoir s'il faut aller à droite ou à gauche, dire oui ou dire non, alors que ce bordel ne marche pas !! ça peut paraître dingue, dit comme ça, simplement parce que ces idées sont nouvelles dans l'histoire de l'humanité. Mais c'est juste le cas. Il est plus qu'urgent de ne toucher à rien, de remettre les compteurs en état et de se demander ensuite vers où on veut aller.
Pire que celà, nous avons été bercés et éduqués dans l'idée d'une croissance infinie. En gros, le reste du monde rattraperait petit à petit le niveau de vie des plus "avancés". Il y aurait quelques galères le temps que ça se passe, mais on y arriverait.
Ce doux rêve là s'est effondré aussi ! D'une part, parce que la Terre a des ressources qui ne sont pas, elles, infinies. Il faudrait plusieurs planètes pour atteindre le niveau de vie d'un américain. Et la science n'y peut rien ! Celà fait maintenant plus de 15 ans que l'ensemble du monde scientifique ne sait plus quoi faire pour nous expliquer que nous allons droit dans un mur et à très court terme !
D'autre part, parce que contrairement à ce qu'on nous a appris, notre prétendue croissance ne tire pas celle des autres. Elle ne se fait qu'au détriment de celles des autres. Et celà fait 50 ans, au contraire, , que nos armées occidentales foutent le monde à feu et à sang (guerres de décolonisations, coups d'état, installation et soutien de dictatures, occupations, ventes d'armes et "entretien de conflits", interventions directes) dans un seul but : préserver notre niveau de vie.
C'est nous qui sommes responsables de ça. C'est en notre nom, pour nous, pour notre "croissance", que ces massacres ont lieu. C'est à nous de les arrêter.
Il est impératif que nous comprenions qu'il faut réduire de toute urgence notre "niveau de vie", qu'il va nous falloir "vivre tous simplement pour que tous puissent simplement vivre", que nous expliquions à nos gouvernants que nous avons compris ça et que nous sommes prêts à ça et, enfin, que nous le fassions.
Nous avons un monde à y gagner. Maintenant.
Rédigé par : François | 01 juin 2005 à 23:17
J'ajoute, (ça m'a énervé en fait, va savoir pourquoi...) que je ne suis ni le seul, ni le premier loin de là, à essayer de raconter ça à (plein de gens bien qui comprennent, d'une part) et une grosse majorité de blaireaux qui ont toujours le cerveau coincé entre deux pages du Libégaro.
Il se trouve que c'est fatiguant. Qu'à force, pour conserver un peu la pêche, ben... on s'énerve, on se "radicalise". Je pense que nous approchons du virage où nous n'hésiterons plus, demain, à traiter de collabos ceux qui font semblant de ne pas comprendre et nous traitent d'idéalistes, aujourd'hui.
C'est moche.
Mais ça se comprend.
Rédigé par : François | 01 juin 2005 à 23:26
D'accord sur l'état du malade et le diagnostic. Mais je diverge un peu sur le traitement à suivre.
Je crois malheureusement que les gouvernants ne sont pas les seuls qu'il faille convaincre, voire qu'ils soient coincés dans une machine infernale, un peu comme ces souris qu'on enferme dans une cage cylindrique et qui tournent sans s'arrêter pour ne pas perdre l'équilibre, tout en donnant du mouvement à leur cylindre. Cours Forrest, cours.
Comment obtenir -impérativement et de toute urgence- pas seulement des gouvernements, mais des peuples, d'ici et d'ailleurs, qu'ils comprennent et acceptent ce que tu préconises ? Si j'avais la réponse, je ne la garderais pas pour moi...
Rédigé par : Jo | 02 juin 2005 à 01:06
Ouh lala, alors d'abord, ce n'est pas ce que "JE" préconise. Ces idées, je les ai reprises et elles sont basées sur des travaux de centaines de gens partout dans le monde.
Comment convaincre ceux qui ne sont pas encore au courant ?
Vaste question, mais réponse très simple, à mon avis. En parlant. En reparlant de politique et en ne se laissant pas embarquer dans les discours de salon des media officiels et leur zapping continuel. En faisant ce qu'on est en train de faire là. En utilisant pour ça tous les moyens à notre disposition, et notamment Internet.
"Les super-autoroutes de l’information conçues pour faciliter le flux des marchandises et de l’argent commencent à voir (non sans frayeur) qu’elles sont empruntées par des vieilles charrettes, des bêtes de somme et des piétons qui n’échangent ni marchandises ni capitaux, mais quelque chose de très dangereux : des expériences, des soutiens mutuels, des HISTOIRES"
(SCI Marcos)
Pour ce qui est des gouvernants, des dizaines de milliers d'entre nous vont essayer de leur expliquer dans un mois en Ecosse. Plus on sera nombreux, plus on parlera fort. Plus ceux qui restent ici, soutiennent et reprennent ces messages, plus on sera fort.
Rédigé par : François | 02 juin 2005 à 11:32
D'accord, d'accord. Parlons. Je m'y applique ici, comme toi, comme tant d'autres. Mais y a du taf...
Je découvre, en grande partie grâce à toi, le travail d'explication, de pédagogie, fait par toutes sortes de gens ou groupes de gens, de Manicore à Attac, en passant par Redefining Progress, voire même le rapport Hirsch,ou les actions de Nicolas Hulot.
Je vois bien que des ruisseaux se forment, se rejoignent, bref qu'un mouvement se dessine. Mais, à tort ou à raison, j'ai le sentiment qu'on tape sur une enclume avec une plume.
Faut pas se décourager pour autant, mais, conscient de l'urgence, je me demande si faire bouger tout cela ne va pas prendre des générations. Auquel cas, ce sera trop tard.
PS- Ah j'oubliais : SCI Marcos, c'est la Société Civile Immobilière, la Société Civile Immobile ou le Sous-Commandant Insurgé ? Tais-toi, c'était pour de rire...
Rédigé par : Jo | 02 juin 2005 à 12:00
Aucune enclume ne saurait résister à la caresse de 6 milliards de plumes.
Regarde la puissance que peuvent avoir le sable, l'eau, et même... le vent.
Ce qui se lève là, c'est une tempête, un ouragan.
Rédigé par : François | 02 juin 2005 à 12:51
OK, c'est joli, mais please ne nous payons pas de mots.
Ecoute le hussard parler bataille contre le chômage. Volonté. Courage. Energie. Ça sonne creux. Attention à l'inflation verbale, à la rodomontade, devenue, depuis deux jours, le style “Napoléonien“ en vogue.
Il n'y a que dans la pub que les slogans tiennent lieu de réalité. Dans le reste de l'univers, ça ne suffit malheureusement pas.
Plume(s) contre enclume. La question est bien “comment réunir 6 milliards de plumes ?“ et pas “faisons comme si elles étaient déjà réunies“•
Rédigé par : Jo | 02 juin 2005 à 14:00
Commence par ne plus écouter ton hussard et descendre de son toit. ça fera déjà un. Pour les 5 999 999 999 qui restent, je suis sur que tu en connais plein.
On peut déjà en compter quelques millions qui sont déjà au courant. (mine de rien, y a des gens qui bossent depuis longtemps).
Chacun en prend 10 et c'est plié.
Je pense qu'il faut viser environ 3 à 4 % de résistants, c'est amplement suffisant la plupart du temps. Les autres ne bougeront pas.
Pour rester dans tes codes Napoléo-Gaullistes, "les français sont des veaux" depuis longtemps.
Non, franchement, 4% de gus déterminés, ça me semble et un maximum, et suffisant.
En France, ça fait 2.4 millions.
Dans le monde, 240 millions.
Jouable.
Les américains (du Nord) sont à fond, ceux du Sud sont très très énervés, l'Europe, c'est pas trop mal, l'Asie commence à bouger via les Coréens (Sud, of course), l'Inde ça démarre. Gros déficit en Afrique et au Moyen-Orient, mais ça va venir.
Rédigé par : François | 02 juin 2005 à 14:25