Depuis le 15 mai, motivés par une crise économique de très grande ampleur en Espagne, par un chômage qui touche plus de 40% de jeunes et le rejet d'un système politique dont ils se sentent exclus, des dizaines de milliers de jeunes espagnols, inspirés par les mouvements de Tunisie et de la Place Tahrir, au Caire, sont sortis dans les rues et occupent notamment la Puerta del Sol à Madrid.
Ils se sont baptisés Los indignados, les indignés, d'après le titre de l'opuscule de Stéphane Hessel. A la Puerta del Sol et sur les places de dizaines de villes espagnoles, ils se rencontrent, discutent, inventent de nouvelles solidarités, de nouvelles vies, forment des projets politiques.
Ailleurs, dans d'autres pays européens, ce mouvement non-violent commence à faire des émules, malgré la grande discrétion des médias.
Voici une traduction du texte-manifeste de l'une des composantes de ce mouvement diffus, polymorphe, déterminé.
Manifeste de «¡Democracia Real YA!»
Nous sommes des personnes normales et ordinaires. Nous sommes comme toi : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, travailler ou chercher un travail, des gens qui ont famille et amis. Des gens qui travaillent dur tous les jours pour vivre et donner un futur meilleur à celles et ceux qui nous entourent.
Parmi nous, certain-e-s se considèrent plus progressistes, d'autres plus conservateurs. Quelques-uns croyants, d'autres non. Quelques-uns ont des idéologies très définies, d'autres se considèrent apolitiques.
Mais nous sommes tous très préoccupés et indignés par la situation politique, économique et sociale autour de nous. Par la corruption des politiciens, entrepreneurs, banquiers, ... Par l'abandon des citoyens de la rue.
Cette situation est douloureuse pour tous au quotidien ; mais, tous ensemble, nous pouvons la changer. Le moment est venu de nous mettre en mouvement, le moment de bâtir entre nous tous, une société meilleure. Dans ce but, nous proclamons fermement ce qui suit :
• Les priorités de toute société avancée doivent être l'égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le développement, le bien-être et le bonheur des personnes.
• Des droits basiques devraient être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l'éducation, à la participation politique, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse.
• Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et est un obstacle au progrès de l'humanité.
• La démocratie émane du peuple (demos=peuple ; cratie=gouvernement), par conséquent le gouvernement doit être celui du peuple. Cependant, dans ce pays, la majeure partie de la classe politique ne nous écoute même pas. Sa fonction devrait être de porter notre voix vers les institutions, en facilitant la participation politique citoyenne par des voies directes, en procurant le plus grand bénéfice possible à la majorité de la société, et pas celle de s'enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les diktats des pouvoirs économiques et en s'accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique menée par les sigles inamovibles du PPSOE (Ndlr : sigles emmêlés des deux grands partis de gouvernement espagnols : PP -Partido Popular-, PSOE -Partido Socialista Obrero Español- ; en France, on dirait UMPS).
• La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns crée inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons.
• Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, bloque le système social dans une spirale, qui s'autodétruit, enrichissant une minorité et conduisant les autres au manque et à la pauvreté. Jusqu'au colapse.
• La volonté et la finalité du système est l'accumulation d'argent, qui prime sur l'efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux.
• Nous, citoyens, faisons partie de l'engrenage d'une machine destinée à enrichir cette minorité qui ignore tout de nos besoins. Nous sommes anonymes mais, sans nous, rien de tout cela n'existerait, car nous sommes ceux qui faisons bouger le monde.
• Si, en tant que société, nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une abstraite rentabilité économique qui ne tourne jamais à l'avantage de la majorité, nous pourrons éliminer les abus et les carencees que nous endurons tous.
• Nous avons besoin d'une Révolution Ethique. Nous avons placé l'argent au-dessus de l'Etre Humain, alors qu'il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas seulement ce que j'achète, pourquoi je l'achète ou à qui je l'achète.
A la vue de cela, je suis indigné/e.
Je crois que je peux le changer. Je crois que je peux aider. Je sais que, unis, on le peut.
Sors avec nous. C'est ton droit.
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